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peu plus tôt ou un peu plus tard, M. Mouly était certainement arrêté, et un si grand malheur aurait donné à la persécution une intensité terrible.

« Le 6 juillet, j’envoyai, pour la seconde fois, le même courrier sur les traces de Joseph. Le journal impérial avait, dit-on, annoncé que trente barques, du nombre de celles qui apportent le riz à l’empereur, avaient été brûlées. Trois cents personnes avaient péri dans l’incendie ; on crut bientôt que Joseph était de ce nombre. Je ne pus me persuader qu’un tel malheur lui fût arrivé ; je ne pouvais point concevoir d’abord comment trente barques qui naviguent à une distance plus ou moins grande les unes des autres, auraient péri par un même incendie : cependant l’annonce officielle d’un événement qui n’était contredit par personne, me causait les plus vives appréhensions.

« Enfin, le 8 septembre, il arriva à Sivang dans l’état le plus pitoyable ; il était couvert de plaies et de tumeurs. Le froid qu’il avait supporté en Tartarie et sur la route de Péking, ajouté à l’humidité et aux vapeurs malsaines de sa barque, l’avaient mis dans ce triste état ; il est encore dans une impossibilité complète, je ne dis pas de marcher, mais même de voyager à cheval ou dans un chariot. Cependant son courage est toujours au-dessus de ses forces ; il voit bien que, dans la circonstance actuelle, sa présence m’est très-nécessaire.

« Le funeste événement dont j’ai parlé plus haut s’est trouvé vrai, du moins en partie. Plusieurs barques du nombre de celles qui portent le riz à l’empereur, ont été brûlées dans le fleuve Yang ; un grand nombre de matelots et de voyageurs ont péri dans l’incendie ou dans l’eau, en s’efforçant de gagner le rivage. Ces barques étaient à l’ancre, et à côté les unes des autres. On attribue cet accident à la malveillance. L’équipage de plus de cent autres barques s’est révolté contre ses chefs, ils les ont égorgés ainsi que bien d’autres personnes ; les uns sont morts dans cette rixe, les autres ont pris la fuite : ceux qui sont restés sont entre les mains de la justice ; enfin quelques autres barques ont été brisées par le courant, en remontant une cataracte ou chute d’eau. Joseph s’est trouvé dans la bagarre, il a été témoin de tous ces funestes accidents ; mais le bon Dieu l’en a préservé comme par miracle, il en a été quitte pour son infirmité.

« La persécution contre les chrétiens de ce district commence à se ralentir, mais elle n’a point entièrement cessé. Neuf de ces généreux confesseurs ont été condamnés à l’exil perpétuel en Tartarie. Pendant qu’on les conduisait de leur canton au chef-lieu