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« Cependant, l’orage qui s’était formé au Chang-si vint nous atteindre en Tartarie. Le gouverneur du Chang-si avait fait instruire le vice-roi du Tchy-ly du malheureux événement dont j’ai parlé et du soupçon qui pesait sur les Pe-lien-kiao. Celui-ci montra un zèle aussi ardent, pour le moins, que son collègue : il parut bientôt un décret qui ordonnait aux mandarins inférieurs d’informer contre les Pe-lien-kiao et les chrétiens. Le mandarin de notre arrondissement méprisa cet ordre, et déclara à ses officiers qu’il n’entamerait aucune procédure contre les chrétiens : « Je connais, dit-il, par l’expérience de mes prédécesseurs, qu’il est dangereux d’inquiéter les chrétiens ; de pareils procès ont toujours nui à ceux qui les ont suscités. » Un autre mandarin, duquel nous dépendons en premier ressort, a montré encore plus de fermeté ; il a résisté jusqu’à ce jour aux ordres réitérés plusieurs fois de procéder contre les chrétiens ; il a même fait prévenir ceux de Sivang de donner la bastonnade à tous les satellites qui viendraient les inquiéter, parce qu’ils seraient venus sans ordre. Cependant, à n’en juger que d’après les apparences, dans une persécution, Sivang devrait être le plus exposé : les mandarins et tous les païens du voisinage savent que c’est comme la métropole de tous les chrétiens du district ; plusieurs mandarins n’ignorent pas qu’il y a une église, et qu’actuellement même on en construit une autre plus vaste et plus belle ; ils connaissent les principaux habitants du bourg : on ne doute point qu’il n’y ait des missionnaires. Mais Dieu n’a pas permis qu’aucun malheur nous arrivât. L’affaire des Pe-lien-kiao n’aurait pas eu de suites fâcheuses, sans un autre accident qui faillit causer un embrasement général.

« Le 17 juin, à sept heures du soir, message extraordinaire, dont voici le résumé : « Le vice-roi de la province, prévenu qu’il y a des missionnaires européens cachés à Sivang, a donné ordre au mandarin de l’arrondissement de les faire prendre à l’instant. Prenez la fuite à l’heure même, et cachez-vous où vous pourrez ; peut-être que le mandarin et les satellites sont en chemin pour vous saisir. La nouvelle est certaine ; les officiers du mandarin, instruits de cet ordre, ont averti le chef des chrétiens du district de se tenir sur ses gardes et de prendre des mesures de sûreté. » Cette nouvelle, qui paraissait officielle, jeta l’alarme partout. On serra au plus vite dans de profondes cavernes tous les objets de religion, et ceux qui pouvaient directement ou indirectement faire soupçonner ou réveiller l’idée d’un Européen. Nous travaillâmes jusqu’à une heure après minuit. Cela fait, on nous relégua, à