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chrétiens : un certain nombre avait été conduit en prison. Mgr du Chang-si et ses prêtres prenaient des mesures pour détourner l’orage qui grondait sur leurs têtes ; il était à craindre que mon courrier et ceux qui venaient de Macao ne fussent arrêtés avec les effets et les lettres qu’on envoyait d’Europe. Un pareil malheur aurait compromis toutes les missions du nord de la Chine et de la Tartarie. Mgr du Chang-si m’écrivit et me manifesta ses craintes ; mais le bon Dieu permit que l’orage se dissipât au moment même qu’il commençait à éclater. Ledit de persécution contre les chrétiens fut révoqué le second ou troisième jour après sa publication ; le missionnaire chinois et les autres chrétiens arrêtés en différents endroits furent relâchés ; mon courrier et ceux de Monseigneur arrivèrent heureusement au Chang-si. Ce prélat, sachant que je n’avais point d’argent, m’en envoya par le catéchiste que j’avais fait appeler. Je lui ai restitué cette somme.

« Le 11 mai, mes gens arrivèrent à Sivang. Le 13, ce catéchiste et deux autres courriers, dont les talents et le mérite consistaient seulement dans leur bonne volonté, se mirent en marche pour la Tartarie orientale. Trois jours après leur départ, ils arrivèrent au chef-lieu de notre arrondissement. Ils voulaient se munir d’un passeport pour passer librement un poste que les Chinois eux-mêmes ne franchissent qu’avec peine, mais les circonstances n’étaient rien moins que favorables. Le mandarin qui devait délivrer ce passeport venait de recevoir ordre du vice-roi d’examiner tous les voyageurs, principalement ceux qui venaient de Chang-si, de garder exactement toutes les avenues qui conduisent à la grande muraille, de peur que quelqu’un d’eux ne s’échappât en Tartarie ; en un mot, de faire des visites domiciliaires dans tous les endroits suspects, principalement dans les hôtelleries. Mes gens firent sonder les intentions du mandarin. Celui-ci répondit qu’il leur accorderait un passeport, mais il voulait au préalable connaître les voyageurs, leurs noms, leur patrie, etc. Comme il y avait parmi eux deux Chang-sinois, ils n’osèrent point s’exposer à subir cet examen, craignant d’obtenir, au lieu d’un passeport, un mandat d’arrêt qui les constituerait prisonniers. Ils m’écrivirent pour me demander mon avis. « Si vous ne pouvez point obtenir de passeport, leur répondis-je, retournez sur vos pas et prenez votre chemin par le nord de la Tartarie. » Il paraît que cet expédient ne leur plut pas : ils partirent sans passeport. Tout semble annoncer qu’ils ont franchi sans danger et sans difficulté le poste dont je viens de parler. Si notre entreprise réussit, les hommes ne seront pour rien dans le succès ; la divine Providence aura tout fait.