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Sa Majesté ; on trouvait encore plus de difficulté à le garder. Mgr de Nanking voulait l’expédier de suite pour la Tartarie occidentale ; il lui accorda cependant un délai jusqu’à l’arrivée du courrier du Chang-si. Mgr l’évêque lui-même est prisonnier dans son palais, il est sous la surveillance du gouvernement ; on ne lui a accordé la permission de rester à Péking que sous prétexte de maladie. Son église, la seule qui existe des cinq qu’il y avait autrefois, est toujours fermée. On y célèbre la messe, mais presque aucun chrétien n’y assiste ; on célèbre pour eux dans des oratoires particuliers. Le mandarin, ou plutôt le prince, à qui l’empereur a donné le droit d’acheter l’église, le palais épiscopal et ses dépendances, a promis qu’il ne la ferait point détruire. Ce sera un monument qui conservera en Chine le souvenir des Européens. Après la mort de Mgr de Nanking, il n’y aura plus de missionnaires européens à Péking ; il paraît même d’après les mesures qu’a prises le gouvernement qu’ils ne seront jamais rappelés… À mon avis la religion a plus gagné que perdu à l’éloignement des Européens de la capitale. Les missionnaires qui sont dans les provinces seront moins recherchés, ils n’emploieront pas un temps précieux à cultiver des arts et des sciences étrangères à leur vocation, pour complaire à un prince qui ne leur sait nul gré de leurs services, qui les regarde comme des barbares trop honorés d’être ses serviteurs, et tout cela sans que la religion en retire aucun avantage. J’ai hâte de revenir à mon sujet.

« À peine eus-je reçu la lettre de M. Maubant que l’on annonça l’arrestation de quelques rebelles dans la capitale. On avait commencé des visites domiciliaires dans le Chang-si ; je ne trouvai personne qui voulût porter ma réponse à Péking. Après un mois d’attente, je pus faire parvenir à M. Maubant un petit billet ; je l’engageais à rester à Péking jusqu’au retour des Coréens, ou bien, s’il était impossible de tenir le poste plus longtemps, je lui conseillais d’aller en Tartarie auprès du P. Sué, lazariste chinois qui avait consenti de bon cœur à nous recevoir. M. Maubant partit donc pour la Tartarie. Ce fut le 8 juin qu’il se mit en route.

« Deux chrétiens s’étaient offerts pour me conduire jusqu’aux frontières de la Corée ; mais la route qu’ils connaissaient était trop périlleuse pour moi, et celle que je voulais prendre leur était inconnue. Tout ce que la renommée en publiait n’était pas propre d’ailleurs à leur inspirer le désir de l’explorer : tantôt c’étaient des montagnes qu’il fallait gravir, au risque de mourir de froid ; tantôt c’étaient des déserts, repaires de voleurs et de