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sans ciment, avec de grosses pierres à demi taillées entassées les unes sur les autres. On n’y pénètre que par une seule route facile ; c’est celle que nous suivîmes, après avoir tourné à droite afin d’attaquer du côté opposé à celui d’où nous venions. Il était onze heures et demie : quelques-uns proposèrent de déjeuner, mais on trouva qu’il serait plus facile de s’établir dans la pagode et de déjeuner dans le palais même de Bouddha. Nous quittâmes la grand’route pour prendre le sentier qui conduit à la pagode. Un Coréen parut en armes tout près de nous : deux ou trois coups tirés trop au hasard ne purent l’atteindre : trois de nos hommes se mirent à sa poursuite, mais il avait disparu. Nous n’étions plus qu’à trois ou quatre cents mètres de la porte : nous nous reposâmes un instant. Nous avions devant nous une muraille épaisse et solide, qui fermait le ravin et s’élevait des deux côtés sur les pentes de la montagne. La porte en pierres de taille, voûtée en plein cintre, n’avait pas de battants, comme c’est souvent le cas. Je considérais très-attentivement ce qui se passait à l’intérieur. À notre arrivée, j’avais entendu quelques cris ; maintenant tout était muet comme dans un désert. On donna le signal d’avancer ; un détachement prit à droite pour gravir la colline ; le principal corps précédé de l’avant-garde se dirigea droit sur la porte. Nous n’étions pas à cent mètres, et l’avant-garde était beaucoup plus rapprochée, lorsqu’une décharge subite se fit entendre sur toute la longueur de la muraille. Les coups se mêlaient, se succédaient, sans intervalle ; et les balles sifflaient de tous les côtés, à nos pieds et sur nos têtes. Je me détournai, et vis presque tout le monde couché : chacun se cachait où il pouvait pour se mettre à l’abri et attendre la fin de la fusillade ; j’en fis autant.

« Nos soldats ripostaient par un feu bien nourri, tout en descendant chercher une position plus favorable, mais que pouvaient leurs balles contre des murailles, et contre ces hommes dont on ne voyait que la tête ? La surprise avait mis le désordre dans notre troupe ; les commandements des chefs n’étaient pas exécutés, et bientôt tout le monde se trouva à une certaine distance, toujours sous le feu de l’ennemi dont les balles venaient encore nous atteindre. Alors, les officiers ayant rallié leurs hommes, on s’embusqua derrière des cabanes, des fragments de rochers, des tas de paille, afin d’empêcher une sortie des Coréens, pendant que l’on transportait les blessés sur une colline située un peu en arrière. Ils étaient trente-deux, et les blessures de quelques-uns semblaient assez graves.