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« Dans l’enceinte de la maison du mandarin se trouve un palais royal, car c’est dans la forteresse de Kang-hoa que les rois de Corée se réfugient en temps de guerre. L’emplacement est bien choisi, sur une petite colline boisée qui domine la ville, et d’où l’on jouit d’une vue magnifique sur l’île, la mer, et le continent. L’île de Kang-hoa est très-fertile. On y récolte du riz, de l’orge, du tabac, du sorgho, du maïs, des navets de différentes espèces, des choux de Chine, des châtaignes, du kaki, des glands doux dont les habitants pauvres font une espèce de bouillie, etc…

« Les Français demeuraient en tranquille possession de la ville, où personne ne les inquiétait. La masse de la population était trop effrayée pour y rentrer, et l’on ne put avoir que très-peu de rapports avec eux. En vain cherchait-on à les rassurer ; ils n’avaient pas l’idée d’une pareille manière de faire la guerre ; ils s’imaginaient que les vainqueurs, en s’emparant d’un pays, devaient nécessairement tout mettre à feu et à sang. Du reste, ils répétaient : « Pourquoi n’allez-vous pas à la capitale ? À quoi vous sert de rester ici ? vous n’aboutirez à rien. Vous voulez tirer vengeance des massacres commis, et vous punissez de pauvres gens qui n’en sont nullement la cause, et qui n’y ont pas pris la moindre part. »

Un chrétien put arriver jusqu’à moi, la nuit, au camp de Kak-kok-tsi. Il me dit que l’on rassemblait une armée considérable dans toutes les provinces de la Corée, que l’on fabriquait des armes jour et nuit, que l’on ramassait tous les morceaux de fer, même les instruments de labourage, pour en faire des sabres et des piques, que plusieurs points de la côte, entre autres la ville de Tong-tsin, sur le continent, vis-à-vis de Kang-hoa, étaient fortement gardés, et qu’on avait barré le fleuve en coulant une quantité de barques, à une lieue en aval de Séoul. L’amiral, apprenant ces détails, résolut de pousser une reconnaissance dans les environs de Tong-tsin.

« Cent vingt hommes furent envoyés à cet effet ; ils gagnèrent le continent vis-à-vis la porte de Séoul. On nomme ainsi une arche en pierre, de forme ogivale, surmontée d’une toiture en pagode chinoise, qui commande la tête du chemin de la capitale. Autour de cette porte il y a un village et quelques fortifications. Lorsque nos marins voulurent débarquer, ils reçurent à l’improviste une décharge qui leur tua trois hommes. Ils descendirent à terre néanmoins, et se rendirent maîtres de l’endroit après avoir tué quelques Coréens et mis les autres en fuite ; puis, ne jugeant pas prudent de pousser plus loin l’expédition, ils revinrent à bord, et demeurèrent en observation. Le soir, une partie de l’armée coréenne défila au fond de la plaine ; mais quelques obus lancés