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sur la porte d’une cabane, mais en approchant je vis quatre satellites qui venaient de les arrêter. Je voulus fuir, mais ils me saisirent aussitôt, m’arrachèrent mon paquet, et me demandèrent : « Qui es-tu ? D’où viens-tu ? Où vas-tu ? » À ces questions, je vis que je n’étais pas reconnu pour Européen, et je gardai le silence. Une des chrétiennes s’approcha alors et leur dit : « C’est mon beau-père, ne voyez-vous pas qu’il est sourd. Dites-moi ce que vous lui voulez, et je me charge de le lui faire comprendre. » Les satellites demandèrent de l’argent. On parlementa, et l’on convint d’aller appeler les chrétiens cachés dans la montagne. Celui qui me gardait essaya plusieurs fois de me faire parler. Il me donnait des coups de poing en me criant dans les oreilles : « Entends-tu ? parle donc. » Les chrétiens, apprenant que le prêtre était arrêté, vinrent en assez grand nombre, et voyant que l’on voulait seulement de l’argent et qu’il n’était pas question de religion, ils se méfièrent de quelque fourberie, interrogèrent les prétendus satellites et les forcèrent à avouer qu’ils n’étaient que des voleurs. Ils les châtièrent et les laissèrent aller.

« Je pus encore entendre quelques confessions, et donner la sainte communion le jour de Pâques. Puis, prévenu que les satellites ne tarderaient pas à arriver à Hau-sil, je partis le jeudi suivant, accompagné du chrétien Thomas Iou, pour me rendre à un autre village. À la ville de Nieun-phong, nous eûmes à passer devant une auberge ; on nous cria : « Qui êtes-vous ? Où allez-vous ? » Nous nous contentâmes de presser le pas, mais les soupçons étaient éveillés, et nous fûmes bientôt saisis par cinq satellites, qui se mirent à me considérer de la tête aux pieds, par devant et par derrière, et soupçonnèrent que j’étais un Européen. On nous conduisit à l’auberge pour nous examiner de plus près. Thomas, qui marchait devant, se débattait si violemment que les satellites qui étaient à côté de moi s’avancèrent pour porter secours à leurs camarades. Je profitai aussitôt de la circonstance pour prendre la fuite. « L’autre se sauve, » crièrent-ils tous, et plusieurs se mirent à ma poursuite. Je courais de toutes mes forces, quand ma ceinture, dans laquelle j’avais quelques centaines de sapèques, se déchira et tomba sur les pierres du chemin. Les satellites, à ce son bien connu, se précipitèrent sur le butin, se battirent en le partageant, et ne songèrent plus à moi. Jamais auparavant je n’avais porté d’argent sur moi dans mes voyages ; c’était toujours un de mes compagnons qui tenait la bourse ; mais le bon Dieu, pour me sauver des mains des méchants, avait permis que je m’en fusse chargé moi-même ce