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D’autres chrétiens arrêtés en même temps apostasièrent, et furent relâchés sur-le-champ. Les trois femmes furent conduites au mandarin, mais, chemin faisant, les satellites voyant que la mère n’avait pas la force de les suivre, s’en débarrassèrent en la renvoyant chez elle. Les deux prisonnières comparurent devant le mandarin de Tsien-an qui, ému de compassion à la vue des petits enfants de Suzanne, employa tour à tour les caresses et les menaces pour obtenir l’apostasie de ces courageuses chrétiennes, sans toutefois les mettre à la torture. À la fin, il les renvoya à Kong-tsiou, chef-lieu de la province. C’était les envoyer à la mort. Suzanne le comprit, et confia ses enfants à un chrétien qui devait les reconduire à leur père. À Kong-tsiou, les deux femmes eurent à subir, à plusieurs reprises, des supplices si cruels, que leurs jambes et plusieurs de leurs côtes furent rompues ; mais elles ne laissèrent pas échapper une plainte. On les reporta à la prison, où on les étrangla le même jour que Thomas Song. Leurs corps, jetés dans les champs, furent ensuite enterrés par les chrétiens dans une même fosse.

Il y eut, en outre, dans les différentes provinces, une vingtaine d’autres martyrs, dont trois dans le Pieng-an, deux dans le Hoang-hai, les autres à Kong-tsiou, à Song-to, etc., mais il a été impossible d’obtenir des documents précis sur leur nombre, leurs noms et les circonstances de leur mort. Ordre était donné dans tout le royaume de brûler les livres et objets de religion que l’on pourrait saisir ; la surveillance mutuelle de cinq en cinq maisons, responsables les unes des autres, était rétablie avec beaucoup de rigueur, surtout dans les grandes villes ; les mandarins devaient par tous les moyens possibles obtenir l’apostasie des chrétiens. La plupart d’entre eux profitèrent d’une aussi belle occasion de satisfaire à la fois leur rapacité et leur haine du nom chrétien. Ils torturèrent cruellement tous les néophytes qui leur tombèrent sous la main, pillèrent et brûlèrent leurs maisons, et les réduisirent à la plus affreuse misère. Beaucoup d’autres mandarins cependant se mirent peu en peine d’exécuter strictement les ordres de la cour. Quelques-uns même, opposés par principe à la persécution, inventèrent des stratagèmes pour tirer les chrétiens d’embarras, et un certain nombre de prisonniers furent, après des interrogatoires insignifiants, relâchés comme apostats, sans avoir en réalité donné aucun signe d’apostasie.


Mais si l’on était disposé, au moins partiellement, à fermer les yeux sur les chrétiens indigènes, et à les laisser provisoirement