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Mgr Daveluy logeait chez le catéchiste Nicolas Song. Un parent de ce dernier, chrétien assez tiède, voulut aller à la capitale pour avoir des nouvelles certaines, et obtint de l’évêque, non sans difficulté, la permission de partir et de l’argent pour sa route. C’était le 10 mars. Le 11 au matin, cet individu revint disant qu’il avait rencontré des satellites qui venaient prendre les Européens. Mgr Daveluy, qui se méfiait de lui, refusa de le voir. Cet homme était-il un traître ? on l’ignore ; mais quelques heures après son arrivée, les satellites entraient dans le village. À leur tête, se trouvait Philippe Pak, élève en théologie du collège de Pai-rong, qui fut de suite reconnu par les chrétiens. Ce malheureux jeune homme, qui, peu de jours auparavant, avait été torturé et jeté en prison au chef-lieu du district, jouait-il en effet le rôle de Judas ? Tous, et Mgr Daveluy le premier, le crurent alors. Deux ou trois mois plus tard, Philippe Pak a protesté qu’on l’avait tiré de prison malgré lui, parce que les satellites ne savaient pas le chemin de Keu-to-ri, et qu’on l’avait mis de force sur un cheval afin qu’il leur servît de guide. Quoi qu’il en soit, au moment où le village fut envahi, Mgr Daveluy, cédant aux instantes prières des chrétiens, se cacha sous un tas de bois sec, à côté du panier qui renfermait sa chapelle. Les satellites, fouillant toutes les maisons, arrivèrent à celle de Nicolas Song, et l’un d’entre eux, d’un coup de pied donné dans le bois, découvrit le panier. Encouragé par ce premier succès, il donna un autre coup de pied un peu plus loin, et découvrit la tête de l’évêque. Effrayé, il fit un pas en arrière, mais Mgr Daveluy se levant lui dit : « Ne crains pas. Qui cherches-tu ? — Les hommes d’Occident, » répondit le satellite. — « Alors, prends-moi, car je suis l’un d’eux. » Les autres satellites accoururent, et sans lier l’évêque, ils se contentèrent de le garder dans sa propre chambre, mais ils garrottèrent le maître de la maison, Nicolas Song.

Les satellites cependant pressaient Mgr Daveluy d’indiquer la retraite des autres missionnaires qu’on les avait chargés de saisir. Le prélat, convaincu que des trahisons multipliées avaient fait disparaître toute chance de fuite, et ne voulant pas exposer inutilement les chrétiens au pillage, à la torture, peut-être à l’apostasie, consentit à appeler près de lui M. Huin, à la condition formelle que personne n’accompagnerait les messagers qu’il chargerait de sa lettre. Il espérait ainsi sauver la chrétienté de Sei-ko-ri. On lui promit solennellement tout ce qu’il voulut, mais cette promesse fut violée de suite, et, de la porte de sa chambre.