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et de crachements de sang, était incapable de s’enfuir. Il écrivait, ce jour-là même, à un de ses confrères : « Je vous trace ces quelques lignes, étendu sur ma natte où les souffrances me tiennent cloué. Que faire dans ces étranges circonstances ? S’il faut aller se cacher dans quelque caverne des montagnes, je ne m’en sens nullement la force. »

Le lendemain, plusieurs satellites de la capitale lancés à la poursuite du mandarin Jean Nam, ne l’ayant pas trouvé chez lui, couchèrent par hasard à une auberge distante de Pai-rong de trois quarts de lieues seulement. Ils y rencontrèrent des satellites du district, qui connaissaient la présence des missionnaires dans le voisinage, sans cependant savoir exactement le lieu de leur résidence. Leur plan fut bientôt combiné, et tous ensemble se mirent en route pour les saisir si possible. Sur le chemin, ils virent une vieille femme qui fuyait en pleurant. Ils eurent bientôt reconnu qu’elle était chrétienne, et l’ayant frappée de leurs bâtons, ils lui lièrent les mains derrière le dos, et la forcèrent de les conduire jusqu’au séminaire. Ils y arrivèrent sans que personne les eût aperçus et eût pu donner l’alarme ; les deux prêtres furent arrêtés dans leur chambre. Tout d’abord on saisit aussi le vieux catéchiste Joseph Tjiang, qui était nominalement propriétaire de la maison. « Que voulez-vous faire de ce pauvre vieillard ? » dit M. Pourthié aux satellites ; « laissez-le donc descendre de lui-même dans la tombe ; » et il leur donna quelque argent qu’il avait sur lui. Joseph fut aussitôt relâché. Pendant la nuit, M. Pourthié, qui avait les mains liées derrière le dos, parvint à se glisser sans bruit dans un coin où étaient divers papiers importants, et fit signe à un chrétien qui se trouvait à côté de les cacher ailleurs ; mais celui-ci par timidité refusa de s’en charger, et tous ces papiers furent pillés avec le reste des effets. Le lendemain, 3 mars, à neuf heures du matin, on plaça les confesseurs chacun sur un bœuf, on leur passa le cordon rouge sur les épaules, mais sans leur lier les mains, on les coiffa du bonnet rouge des grands criminels, et on se mit en route pour la capitale. La distance est de trois journées, mais M. Pourthié était tellement affaibli par la maladie, que les satellites, par égard pour son état, consentirent à faire les étapes moins longues, et l’on mit cinq jours pour arriver à Séoul.

Pendant le chemin, les deux confesseurs tenaient relevés les bords de leur bonnet, et, dans tous les villages et hameaux que l’on rencontra, une foule immense de païens vinrent, avec une curiosité avide, contempler le visage et la tournure des deux