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son imprimerie à Jean Tjieun. Celui-ci fut arrêté à la place de Joseph Im, et conduit au tribunal. Jean Tjieun, lors de la persécution de 1839, après être demeuré un mois entier dans la prison du Kou-riou-kan, avait eu la faiblesse de céder aux tortures et de racheter sa vie par l’apostasie. Après sa mise en liberté, les reproches de sa mère qui était une fervente chrétienne, et l’impossibilité où il se trouvait de confesser son crime puisqu’il n y avait plus de prêtres en Corée, le tirent tomber dans un grand découragement. Il passa ainsi plusieurs années, conservant à peine quelques pratiques religieuses, mais à l’arrivée du P. André Kim, il se convertit, fit une confession générale, et par la ferveur de sa pénitence édifia grandement les chrétiens que sa chute avait scandalisés.

Pierre Tseng et Jean Tjieun subirent, à diverses reprises, les interrogatoires et les tortures accoutumées, c’est-à-dire : la bastonnade sur les jambes et la poncture des bâtons. Pierre surtout eut horriblement à souffrir. Ils refusèrent de répondre à la plupart des questions qu’on leur adressait, et ne voulurent dénoncer personne. Pendant leur séjour au Keum-pou, ils virent plusieurs fois Mgr Berneux, mais on ne sait s’ils purent lui parler. On les conduisit au supplice attachés à des croix, comme on avait fait pour Jean Nam et Thomas Hong. Ils furent décapités de la même manière, et, selon la loi, on laissa les corps exposés pendant trois jours. La femme de Jean parvint, en donnant de l’argent aux satellites, à racheter le corps de son mari, et le fit enterrer près de sa mère sur la montagne No-ko-san. Le corps de Pierre fut jeté dans les champs, pour y être la pâture des animaux immondes et des oiseaux de proie. Mais Dieu le garda, et après quelques jours, les chrétiens purent le recueillir et l’ensevelir dans une même tombe avec Jean Nam, auprès du théâtre de leur commun triomphe.

Quelques mots maintenant de Mathieu Ni que nous avons laissé gisant à terre, presque à l’agonie, dans la maison de Pierre Tseng. Il n’est mort ni en prison, ni sous le sabre du bourreau, et cependant il peut être compté comme une des premières victimes de la persécution. C’est lui d’ailleurs qui, avec François Ni dont nous aurons à raconter le martyre, a ouvert au christianisme les provinces septentrionales de la Corée. Mathieu Ni Teuk-po d’une famille noble, originaire du Hoang-haï, district de Sin-tcheun, était un lettré de grande renommée, très-versé dans la connaissance des caractères chinois. Il enseignait ces caractères à un certain nombre d’élèves qu’il préparait aux