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dépouille de tous leurs vêtements à l’exception d’un simple caleçon. Mgr Berneux est appelé le premier. Ses bras sont liés fortement derrière le dos ; un bourreau replie l’une contre l’autre les deux extrémités de chaque oreille et les traverse, de haut en bas, par une flèche qui y demeure fixée. Deux autres bourreaux aspergent d’eau le visage et la tête, qu’ils saupoudrent ensuite de chaux ; puis, passant deux morceaux de bois sous les bras, le soulèvent, et le montrent aux spectateurs en lui faisant faire huit fois le tour de la place, rétrécissant chaque fois le cercle qu’ils forment en marchant, de manière à ce qu’à la fin du huitième tour, ils se trouvent au milieu du terrain. La victime est alors placée à genoux, la tête inclinée en avant, retenue par les cheveux liés à une corde que tient un soldat. Les six bourreaux, brandissant de longs coutelas, tournent autour en exécutant une danse sauvage et en poussant des cris horribles ; chacun d’eux frappe comme et quand il veut. Au troisième coup, la tête du vénérable évêque roule sur le sol, et tous les soldats et satellites crient à la fois : « C’est fini. » On ramasse aussitôt la tête, et selon l’usage, on la place sur une petite table, avec deux bâtonnets, et on la porte au mandarin, pour qu’il puisse constater de ses propres yeux que c’est bien la tête du condamné. Les bâtonnets sont là pour saisir et retourner la tête, dans le cas où celui qui préside à l’exécution voudrait l’examiner de plus près, mais, ordinairement, on ne s’en sert pas. La tête est ensuite rapportée auprès du corps, et fixée par les cheveux à un poteau de quatre ou cinq pieds de haut, sous la planche où est écrite la sentence.

On répéta les mêmes cérémonies, et dans le même ordre, pour chacun des autres missionnaires. M. de Bretenières vint immédiatement après Mgr Berneux ; il fut suivi de M. Beaulieu, et à la fin, M. Dorie, après avoir vu trois fois passer sous ses yeux ces scènes sanglantes, consomma lui-même son glorieux martyre. Les corps restèrent exposés trois jours entiers, après quoi les païens de Sai-nam-to les enterrèrent tous ensemble dans une seule fosse. Quand une exécution a lieu, ce sont les proches parents ou les amis de la victime qui doivent recueillir ses restes, sinon, les habitants du village vers lequel l’exécuté avait les yeux tournés au moment de la mort, sont tenus de lui donner la sépulture. Les chrétiens de la capitale eussent bien voulu enterrer eux-mêmes leurs pasteurs, mais c’était absolument impossible alors ; ils ne purent satisfaire à ce pieux devoir que six mois plus tard.