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mutuelles en se voyant couverts de plaies glorieuses reçues pour le nom de Jésus-Christ ? leurs prières, leurs chants de joie, leurs élans d’amour en se préparant au dernier sacrifice ? Enfin se leva le jour du triomphe. Le 22 de la première lune, 8 mars, on les tira de leur prison pour les conduire à la mort. Une foule énorme, avide de voir les prêtres étrangers, s’était rassemblée à la porte du Kou-riou-kan. Les uns regardaient curieusement leur visage, leur attitude ; la plupart riaient et leur prodiguaient de grossières insultes. « Ne riez pas et ne vous moquez pas ainsi, » leur dit Mgr Berneux ; « vous devriez plutôt pleurer. Nous étions venus pour vous procurer le bonheur éternel, et maintenant, qui vous montrera le chemin du ciel ? Oh ! que vous êtes à plaindre ! » Les confesseurs furent placés chacun sur une longue chaise en bois, portée par deux hommes. Les jambes allongées et les bras étendus étaient liés solidement à la chaise ; la tête légèrement renversée était fixée par les cheveux. Au-dessus de la chaise, derrière la tête, une planche en bois portait, écrite des deux côtés, l’inscription suivante : « N., rebelle et désobéissant, condamné à mort après avoir subi divers supplices. » Pendant le trajet, les porteurs s’arrêtèrent plusieurs fois pour se reposer. Alors Mgr Berneux s’entretenait avec ses jeunes confrères, ou bien, jetant les regards sur la foule qui les suivait, il disait en soupirant : « Hélas ! mon Dieu ! qu’ils sont à plaindre ! »

À la capitale, il y a divers endroits désignés pour les exécutions. Quand on est pressé d’en finir, ou que le nombre des victimes est trop considérable, ou qu’on veut tenir la chose secrète, on peut décapiter dans l’enceinte même du palais, ou sur deux ponts à quelques minutes de distance du tribunal, à l’intérieur de la ville. Mais, le plus communément, on conduit les condamnés à un quart de lieue en dehors de la porte de l’Ouest, à un endroit nommé Nei-ko-ri, c’est-à-dire : rencontre des quatre chemins ; et quand il s’agit de grands coupables, et qu’on veut donner au supplice le plus de notoriété possible, on se rend plus loin encore, sur une grande plage de sable, le long du fleuve, près du village de Sai-nam-to. C’est là que furent amenés les confesseurs.

Les quatre cents soldats qui les accompagnaient se rangèrent sur un demi-cercle, en face de la tente du mandarin dont l’escorte était également très-nombreuse. On dépose les victimes à terre, au centre de ce cercle, au pied d’un grand mât sur lequel flotte un drapeau blanc, puis on les détache de leurs chaises, et on les