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enveloppa les jambes avec du papier huilé et quelques morceaux de toile, et on le reconduisit en prison.

La même scène se renouvela, à diverses reprises, les jours suivants ; mais les forces de Mgr Berneux étaient tellement épuisées et sa voix était devenue si faible, que les soldats chrétiens ne purent recueillir ses paroles. Thomas Hong, prisonnier lui-même, put faire parvenir à Mgr Daveluy un billet où se trouvaient ces mots : « Mgr Berneux est, toujours et partout, plein de dignité et de sainteté. » La sentence de mort fut enfin portée en ces termes : « L’accusé Tjiang refusant d’obéir au roi, et ne voulant ni apostasier, ni donner les renseignements qu’on lui demande, ni retourner dans son pays, aura la tête tranchée après avoir subi les différents supplices. » Quels furent ces supplices ? On ne l’a pas su d’une manière bien précise. Une seule chose est certaine, c’est que, de tous les missionnaires martyrisés à cette époque, Mgr Berneux fut le plus souvent et le plus cruellement torturé, probablement parce qu’on savait qu’il était le grand chef des chrétiens.

Après quatre jours passés dans la prison du Keum-pou, le confesseur fut transféré de nouveau dans la prison du Kou-riou-kan, ou prison criminelle ordinaire. C’est là qu’il vit arriver successivement les trois jeunes confrères qui, depuis plusieurs jours, avaient été, sans qu’il le sût, ses voisins de prison dans le Keum-pou, et avaient subi devant les mêmes juges des interrogatoires et des supplices analogues. C’étaient MM. de Bretenières, Beaulieu et Dorie. Voici les détails que l’on connaît sur leur arrestation.

M. de Bretenières demeurait à la capitale, à quelques minutes de l’habitation de Mgr Berneux, dans la maison du catéchiste Marc Tieng, vieillard de soixante-treize ans, et Paul Phi, neveu de Marc, était son professeur de coréen. Il avait fait dans cette langue des progrès assez rapides, grâce au grand nombre de caractères chinois qu’il avait appris pendant son séjour au Léaotong, et, dans les mois de janvier et février, il avait pu entendre près de quatre-vingts confessions. Le jour même de l’arrestation de Mgr Berneux, il s’était rendu dans un quartier assez éloigné, où il avait entendu deux confessions et béni un mariage. Le soir, en rentrant, il apprit que le vicaire apostolique venait d’être arrêté. On était à se demander ce que cela signifiait, car on ne croyait pas encore à la persécution. M. de Bretenières ne chercha point à fuir ; il se contenta d’envoyer la nouvelle à Mgr Daveluy et aux autres confrères. Le 24, il célébra encore la sainte messe ;