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CHAPITRE II.

Persécution de 1866. — Martyre de Mgr Berneux et de MM. de Bretenières, Beaulieu et Dorie. — Martyre de MM. Pourthié et Petitnicolas. — Martyre de Mgr Daveluy et de MM. Aumaître et Huin. — Martyrs indigènes.


Depuis plusieurs années, les Russes faisaient en Tartarie des progrès inquiétants pour la Corée. D’annexions en annexions, ils étaient arrivés jusqu’à la frontière nord de la province de Ham-kieng, dont un petit fleuve seulement les sépare. En janvier 1866, un navire russe se présenta à Ouen-san, port de commerce sur la mer du Japon, et de là adressa au gouvernement coréen une lettre par laquelle il demandait, d’une manière assez impérative, la liberté de commerce et le droit pour les marchands russes de s’établir en Corée. En même temps, assure-t-on, quelques troupes passaient la frontière du Ham-kieng pour appuyer cette réclamation. Suivant l’usage asiatique, on les paya de paroles. On leur répondit que la Corée, étant vassale de la Chine, ne pouvait traiter avec aucune autre nation sans la permission de l’empereur, et qu’on envoyait immédiatement à cet effet un ambassadeur extraordinaire à Péking.

Cependant l’émoi était grand à la cour, et les ministres ne cachaient point leurs perplexités. Quelques nobles de Séoul, chrétiens assez tièdes d’ailleurs, et dont les familles avaient été disgraciées pendant les persécutions antérieures, crurent trouver dans cette démarche des Russes une occasion excellente d’obtenir la liberté religieuse pour leurs coreligionnaires, et de s’acquérir en même temps une grande renommée d’habileté et de patriotisme. C’étaient Thomas Kim Kei-ho, Thomas Hong Pong-tsiou, le maître de la maison qui servait de résidence habituelle au vicaire apostolique, et Antoine Ni. Ils composèrent entre eux une lettre, pour expliquer que l’unique moyen de résister aux Russes était de faire une alliance avec la France et l’Angleterre, ajoutant que rien ne serait plus facile, par le moyen des évêques européens présents en Corée. Cette pièce rédigée avec toute la maladresse qu’on pouvait attendre de gens aussi peu instruits, fut présentée au régent par le beau-père de sa fille, nommé Tio Kei-tsin-i. Le régent la lut et la relut, puis, sans rien dire, la