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étaient chrétiens. À cette nouvelle, une centaine d’autres accoururent à son palais en criant : « Vous avez mis en prison deux d’entre nous parce qu’ils sont chrétiens ; nous le sommes aussi ; nous professons la même foi, nous adorons le même Dieu ; pour être juste, emprisonnez-nous tous. » Le gouverneur effrayé de leur nombre, et redoutant une sédition, fit ouvrir à la hâte les portes de la prison et les congédia tous.

Dans le Kieng-sang, au sud-est, les affaires prenaient, à la même époque, une tournure beaucoup plus menaçante. Un noble nommé Hoang, du district de Iei-tsieun, mauvais sujet qui avait dissipé tout son bien et se trouvait sans autre ressource que le brigandage, s’entendit avec quelques autres voleurs, pour piller les villages chrétiens de la contrée. Il savait bien que personne n’oserait aller porter plainte au mandarin, parce que devant les magistrats les chrétiens ont toujours tort, quelque juste que puisse être leur cause. Il suffit que leurs adversaires leur reprochent leur religion, pour les mettre dans le plus grand embarras, et les exposer à des avanies et à des mauvais traitements sans fin. Déjà plusieurs villages avaient été dévastés, lorsque les néophytes, poussés à bout, résolurent d’opposer la force à la force, et de se porter mutuellement secours, d’un village à l’autre, contre ces bandits. Hoang, battu une ou deux fois, s’en alla trouver le mandarin de Iei-tsieun qui était de ses amis, et lui demanda un satellite afin d’arrêter un homme couvert de crimes, disait-il, mais qui en réalité n’avait d’autre tort que d’être chrétien et de jouir d’une certaine aisance. Cet homme nommé François Pak, du village de Pou-reki, était honoré de l’estime générale. Hoang, avec ses compagnons, précédés du satellite, arriva au village, et ne trouvant pas François, qui avait eu le temps de s’évader, fit piller, puis incendier toutes les maisons des chrétiens. L’alarme ayant été donnée dans les villages environnants, tous les chrétiens accoururent armés de bâtons, mais ils ne trouvèrent plus que des ruines fumantes, et voyant que les brigands étaient partis, s’en retournèrent chez eux. Deux seulement, Xavier Tsieun et Jean Ni, plus courageux que les autres, se mirent à la poursuite des pillards pour délivrer les femmes et les enfants qu’ils emmenaient prisonniers, et leur arracher au moins une partie des dépouilles. Grande fut leur surprise, en les rejoignant, de trouver parmi eux un satellite, dont la présence indiquait que ce qui s’était fait avait été ordonné par le mandarin. On se jeta sur eux, on leur arracha leurs bâtons, et après les avoir frappés si brutalement qu’ils pensèrent expirer sous les coups, on les traîna devant le magistrat.