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marcher la tête haute dans les rues, si l’on ne peut persuader le cœur d’une population indifférente, souvent même hostile, à des étrangers qui l’ont humiliée.

« Pour nous, nous voici sans églises, offrant le saint sacrifice dans de bien humbles cabanes, ayant pour autel un banc, ou une simple planche : notre petite croix fixée sur un mur de boue, est le seul ornement qui brille sur cet autel ; de la main et même trop souvent de la tête on touche à la voûte de ces oratoires ; la nef, le chœur, les ailes, les tribunes se composent de deux petites chambres dans lesquelles nos chrétiens et nos chrétiennes sont entassés. Néanmoins, en voyant la dévotion, la foi vive et la simplicité avec lesquelles ces pauvres gens viennent adorer Jésus pauvre, et lui offrir les mépris, les outrages, les vexations dont ils sont tous les jours victimes, je ne puis m’empêcher de me dire en moi-même : peut-être un jour ces mêmes fidèles s’assembleront dans de grandes et splendides églises, mais y apporteront-ils ce cœur simple, cette âme humiliée et résignée sous la main de Dieu, cet esprit souple qui ne veut connaître la loi de Dieu que pour lui obéir ? Et nous aussi, peut-être un jour, déposerons-nous l’embarrassant habit de deuil, et alors nous pourrons nous dispenser de patauger continuellement dans la boue et la neige, et les aubergistes nous offriront autre chose qu’une soupe aux algues ou du poisson pourri ; mais quand nous arriverons dans nos villages chrétiens, l’or protestant et le mauvais exemple des Européens, marchands ou aventuriers de toute espèce, n’auront-ils pas éclairci les rangs de ces bons catéchumènes, qui maintenant se pressent en foule dans les cabanes qui nous servent d’oratoires ? Cet élan vers notre sainte religion ne disparaîtra-t-il pas, lorsqu’on verra que les actions des chrétiens démentent leur doctrine ? Maintenant, le corps du missionnaire est malheureux ; il souffre du genre de vie, du climat, du repos et des courses, car lorsque nous lui donnons la clef des champs, nous le fatiguons par trop fort, et quand nous pouvons le faire reposer, nous l’emprisonnons étroitement ; mais en revanche, la divine Providence ménage à l’âme bien des consolations spirituelles que nous ne pourrons peut-être plus goûter sous l’éclatant soleil de la liberté. Vous voyez qu’en cette question, comme dans beaucoup d’autres, il y a du pour et du contre, et que le mieux est de se résigner à tout, soit à la persécution, soit à la paix, soit à la liberté, soit aux coups de sabre. Aussi, sans pencher ni pour l’un ni pour l’autre, je dis seulement au bon Dieu : Fiat voluntas tua !