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encore les prières chrétiennes, elle ne cessait au milieu des sarcasmes et des menaces de tous, de répéter ces simples paroles : « Dieu du ciel, voyez ces petites créatures ; si elles meurent, tous les païens vont maudire votre nom et dire que votre religion est fausse : conservez-les donc à cause de votre religion. » Dieu exauça cette came droite, les cinq enfants furent sauvés. Les fils et belles-filles de cette veuve ne sont pas encore décidés à se faire chrétiens, mais ils témoignent le plus grand respect pour le christianisme, et je compte, dans ce village, sur de prochaines conquêtes.

« Un noble assez haut placé eut, pendant un voyage, une longue conversation sur la religion chrétienne avec un de ses amis ; il lut quelques livres, et ne put s’empêcher d’admirer cette doctrine et d’en reconnaître la vérité. «Ma position dans le monde, » ajouta-t-il, « ne me permet pas de pratiquer moi-même tout ceci, mais donnez-moi quelques prières, je veux les enseigner à ma femme et à ma fille veuve qui n’ont pas les mêmes empêchements. » Il tint parole, et les deux femmes, ravies d’avoir trouvé un pareil trésor, tâchèrent de pratiquer fidèlement le peu qu’elles venaient d’apprendre. Un jour la mère dit à sa fille : « Il n’est guère possible, au milieu du monde, de suivre parfaitement ces préceptes divins. Pour moi, retenue par les liens du mariage, je ne puis quitter ma position ; mais toi, tu es libre puisque tu es veuve, retire-toi dans une bonzerie pour te livrer à la méditation, et plus tard, si c’est possible, je t’y suivrai. » On voit par là combien grande était leur ignorance des choses de la religion. La fille obéit, se rendit dans une bonzerie, se fit couper les cheveux, et ne s’occupa plus que de prières et de méditations. On s’aperçut bientôt qu’elle ne prenait aucune part aux pratiques superstitieuses des bouddhistes en l’honneur de Fô, et sur son refus de faire comme les autres, on lui refusa la nourriture. Elle se mit alors à mendier de village en village, comme les bonzesses, cherchant partout des chrétiens. Mais son costume même était pour ceux-ci une occasion de la repousser avec mépris. Enfin, après des dangers de toute nature dont elle fut délivrée par l’intervention de la Providence divine, elle arriva dans le lieu où son père avait entendu parler de la religion. Elle se rappelait le nom du noble qui avait eu avec lui la conversation que j’ai mentionnée plus haut ; elle vint mendier à sa porte, et demanda à pénétrer dans l’appartement des femmes. Les domestiques s’y opposèrent avec menaces. Le maître de la maison rentrait en ce moment, et, voyant cette bonzesse, il lui signifia d’un ton colère