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sécutions, ils sont, en leur qualité de Coréens, bien peu réfléchis et d’un esprit très-léger. Quand on leur expose les vérités de la religion, ils sont frappés, entraînés à l’embrasser, les sacrifices les plus pénibles ne leur coûtent pas ; mais quand on entre dans le détail de chaque vérité, les explications qu’on leur donne sont difficilement comprises, des femmes surtout, et des hommes qui n’ont fait aucune étude. Il faut donc beaucoup de patience au missionnaire ; il faut attendre de Dieu et du temps ce que nous ne pouvons pas faire au gré de nos désirs. »

Les troubles du Kieng-sang, auxquels il est fait allusion dans la lettre que nous venons de citer, éclatèrent quelques jours après que Mgr Daveluy eut terminé la visite des chrétientés de cette province. Cette visite avait, ainsi que les précédentes, donné les plus heureux résultats ; elle s’était faite dans certains districts presque publiquement. Les païens de cette contrée, comme nous avons eu occasion de le remarquer, connaissaient leurs compatriotes chrétiens. Dans plusieurs villages, ils venaient en grand nombre sur le bord de la route, pour contempler l’évêque lors de son passage. Plus d’une fois, quand la maison de réunion choisie par les chrétiens se trouvait trop petite, les païens prêtèrent une des leurs afin que tout pût se faire convenablement. Les mandarins le savaient et gardaient le silence. Ce qui, plus que tout le reste, contribuait à faire taire les préjugés contre la religion et à calmer les passions hostiles, c’était la charité des néophytes pour les malades, le soin respectueux qu’ils prenaient des morts, et la dignité grave des cérémonies de l’enterrement. Voici par exemple comment, cette année-là même, s’était fondée une nouvelle chrétienté.

Deux néophytes, le père et le fils, habitaient seuls dans un grand village. Le fils étant allé à la capitale essayer un petit commerce, son vieux père tomba malade pendant son absence. Quelques chrétiens des villages environnants se réunirent pour le soigner, et, après quelques jours de souffrances, il mourut entre leurs bras. Aussitôt, ils tirent les premières cérémonies de la sépulture, et selon l’usage du pays conservèrent le corps dans un cercueil convenable, jusqu’à ce que le fils pût venir l’enterrer lui-même. Les païens furent très-surpris de les voir se conduire ainsi envers un homme qui n’était point de leur famille, et plusieurs personnes sans enfants s’informèrent avec empressement de la religion qui commandait une telle façon d’agir, protestant qu’elles voulaient l’embrasser pour avoir les mêmes secours à leurs derniers moments. Le fils revint, aussi pauvre qu’il était parti,