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« La reine régente appartient à la famille Tcho, célèbre en Corée par sa haine contre les chrétiens. À son arrivée au pouvoir, elle a éloigné les Kim, tout-puissants sous le dernier règne, lesquels laissant tout aller à vau-l’eau nous étaient par là même favorables, et les a remplacés par des hommes d’un caractère à prendre contre nous les mesures les plus extrêmes.

« De cet amalgame de personnes favorables et hostiles, que pouvons-nous attendre ? je n’en sais rien encore. À la troisième lune, plusieurs pétitions adressées au gouvernement demandaient qu’on ramenât le royaume à la pureté des anciens usages, et qu’on détruisît jusqu’à la racine la religion chrétienne. Le bruit se répandit en même temps dans tout le royaume que la persécution allait éclater ; le jour était fixé au 15 de la troisième lune : tous les Européens, tous les catéchistes, tous les chrétiens un peu influents devaient être arrêtés et mis à mort dans toute l’étendue du vicariat. On prétend même que, le 13, l’ordre fut donné de venir me prendre dans ma maison, connue de la police, mais qu’il fut aussitôt révoqué. Cette nouvelle, que je crois fondée, répandit une grande terreur dans la mission, et beaucoup de catéchumènes, dont la foi était faible encore, ont reculé devant le danger. Le bon Dieu qui tient entre ses mains le cœur des rois a cependant conjuré l’orage ; la persécution n’a pas eu lieu, et j’espère que nous serons assez tranquilles avec le nouveau gouvernement. Le seul district qui ait été sérieusement inquiété est celui de Mgr d’Acônes, la province de Kieng-sang, qui depuis plusieurs années nous a donné de nombreuses conversions. Les satellites lancés à la recherche d’une secte qui s’est formée depuis cinq ans dans cette province, sous le nom de tong-hac (doctrine de l’Orient) — pour se distinguer des chrétiens désignés sous le nom de sen-hac (doctrine de l’Occident), — les satellites, dis-je, profitant de cette occasion de battre monnaie et de satisfaire leur vengeance, ont arrêté en même temps bon nombre de chrétiens. Beaucoup d’autres ont déserté leurs maisons, leurs champs, et sont réduits par là à une misère extrême. Je n’ai pas de nouvelles récentes de cette province éloignée ; j’ignore où en sont les affaires.

« Nos chrétiens en général paraissent un peu découragés. En voyant la liberté religieuse accordée en Chine, ils espéraient qu’elle leur serait aussi donnée, et qu’ils seraient affranchis de toutes les vexations qu’ils ont à endurer de la part des mandarins, des satellites et des païens ; et bien que leur sort se soit considérablement amélioré depuis dix ans, ils supportent impatiemment