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et dans les provinces septentrionales que se manifestait ce mouvement de conversion.

Voici quelques extraits des lettres où Mgr Daveluy rendait compte de ses deux voyages successifs dans le sud, dont il était chargé depuis la mort du P. Thomas.

« … Dans ces provinces éloignées, les choses ne se passent point en secret, comme autour de la capitale. Un chrétien errant plante sa tente quelque part ; en moins de huit jours, on connaît sa religion. Les voisins arrivent. « Tu es sans doute chrétien ? — Oui. — Alors, va-t’en d’ici ; tu ne peux vivre dans notre village et demeurer avec nous. — Pourquoi ? — Parce que ta religion est mauvaise. — Pas le moins du monde, au contraire. » Et l’on discute, et le chrétien expose du son mieux ce qu’il sait de la religion. Les avis se partagent, les uns trouvent la chose raisonnable, les autres la rejettent. En fin de compte, si le chrétien trouve un peu d’appui, il demeure, et petit à petit se fait quelques compagnons ; s’il n’a personne pour lui, il faut qu’il aille chercher fortune ailleurs. Voilà comment nos chrétiens qui, au moment de la persécution, étaient renfermés dans trois ou quatre districts, sont aujourd’hui répandus dans seize ou dix-sept districts différents, et font partout des prosélytes.

« Les persécutions locales qu’ils ont à essuyer viennent presque toujours du peuple lui-même ; rarement c’est le mandarin qui en prend l’initiative. Le caractère du peuple étant, par ici, plus tenace et plus fier, les luttes sont plus obstinées ; tout le monde y prend part, pour ou contre, ce qui amène assez souvent de grandes difficultés ; je crois que nos chrétiens sauront y tenir tête. Ce qui me fait surtout espérer pour l’avenir, c’est que dans ces chrétientés nouvelles, la plus grande partie des baptisés sont des hommes, c’est-à-dire des chefs de famille ; leurs femmes ou enfants se font quelquefois longtemps prier pour se convertir, mais par la force naturelle des choses tous viendront petit à petit. Et d’ailleurs, mieux vaut cent fois qu’ils ne se fassent chrétiens que par une conviction personnelle ; ce sera plus stable que s’ils suivaient aveuglément leurs chefs sans savoir pourquoi. Les lieux de réunion manquant de toutes parts, force fut de m’en aller sans avoir pu administrer tous les chrétiens.

« Restait à voir le district de Tong-nai où se trouvent les Japonais, non pas à la ville même, mais à trente lys de là, sur la côte. Cette chrétienté qui ne date que de deux ans, est due à la foi vive d’un vieillard dont Dieu sans doute voulut récompenser les vertus ; elle donne passablement d’espérances. J’aurais dû m’y