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CHAPITRE V.

Troubles populaires. — Mort de MM. Joanno et Landre. — Arrivée de M. Aumaître. — Travaux et succès des missionnaires. — Mort du roi Tchiel-tsong.


La première impression de terreur causée par la prise de Péking ayant à peu près disparu, il fut facile de voir que rien n’était changé en Corée. Presque aucun de ceux qui, dans leur effroi, s’étaient rapprochés des chrétiens, avaient obtenu des livres de religion, et même commencé à apprendre les prières et le catéchisme, ne persévéra dans le dessein de se convertir. De son côté, le gouvernement persista dans le système de neutralité qu’il suivait depuis longtemps déjà, n’abrogeant en aucune façon les lois iniques portées contre les chrétiens, n’en poursuivant l’exécution par aucun acte officiel, et laissant chaque mandarin à peu près libre d’agir, en cette matière, selon ses opinions et ses caprices personnels. Aussi, dans les derniers mois de 1861, les vexations, les avanies, les persécutions locales, les emprisonnements dont les chrétiens étaient habituellement victimes, recommencèrent de plus belle dans diverses provinces et auraient continué sans interruption, si, au mois de juin 1862, des émeutes populaires n’avaient pendant quelque temps attiré ailleurs l’attention des mandarins. Dans une de ses lettres, M. Pourthié a fait de ces événements un récit rempli de détails curieux, et qui peint au vif plusieurs traits des mœurs coréennes.

« Vous ne sauriez croire dans quelle ignorance je suis ici de la marche du monde. Vous dites qu’en Europe on ne sait rien de la Corée ; nous vous rendons bien la pareille. Tout, même ce qui se passe en Chine, nous est complètement inconnu. Dans les quelques lettres que nous recevons, on s’excuse habituellement de nous donner des nouvelles, en disant que nous les aurons apprises d’ailleurs. Quelquefois même, on a l’audace d’ajouter : les journaux vous apprendront tout cela ; comme si nous recevions des journaux, nous qui avons mille peines à recevoir chaque année quelques-unes des lettres qu’on nous envoie. D’un autre côté, les nouvelles que le gouvernement coréen donne au public sont ou fausses ou insignifiantes. L’ambassadeur annuel reçoit, à son retour de Péking, l’ordre de parler dans tel ou tel sens, de taire ceci, de faire un long commentaire sur cela, et la moindre