Page:Dallet - Histoire de l'Église de Corée, volume 2.djvu/453

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

d’un seul coup plus de cinq cents victimes (il parlait des familles des personnes dénoncées). Est-il juste de faire cette boucherie, ou bien ne vaut-il pas mieux ne punir qu’un seul homme ? C’est à vous d’en décider. » Sur ce, l’inquisiteur envoie aussitôt ses satellites pour saisir l’accusateur, et le fait lier de la corde rouge réservée aux voleurs et aux grands criminels. Le païen tut battu, traîné de prison en prison, et eut grand’peine à obtenir la vie sauve, après plus de deux mois de détention. J’ignore si la pensée de dénoncer les chrétiens lui reviendra encore en tête. Ce châtiment n’est-il pas un coup de la Providence ?

« Toujours vers le même temps, c’est-à-dire fin novembre, des idolâtres poussés par la cupidité, voulurent rançonner les néophytes, et, pour y mieux réussir, contrefirent le sceau du grand inquisiteur. Les chrétiens reconnurent la fraude et la signalèrent au mandarin, qui fit arrêter les faussaires. L’esclandre avait eu lieu dans un village situé à deux lieues de ma retraite. Un des païens compromis était initié à toutes les affaires de la mission ; il savait notre présence dans le pays et connaissait même, dit-on, ma résidence. Pour se justifier devant le juge, il accusa nos chrétiens, et l’un d’eux fut cité au tribunal du mandarin, qui l’interrogea en termes très-modérés, cherchant moins à le mettre dans l’embarras par ses questions qu’à lui fournir des moyens de défense.

« Le pauvre homme ne comprit pas les intentions bienveillantes du juge ; il perdit la carte et, disant ce qu’on ne lui demandait pas, se déclara chrétien. Il n’y avait plus à hésiter ; le mandarin le fait battre assez légèrement, et du premier coup obtient, avec l’apostasie, l’aveu qu’il a chez lui des livres de religion. Quelques paroles de dépit, qu’il laisse échapper, irritent le juge omnipotent et le font envoyer au chef-lieu militaire de la province. Bientôt il est mis à la question, les aveux se confirment et sont aggravés par les charges de l’accusateur païen, qui lui aussi avait été transféré à ce nouveau tribunal. Aussitôt on envoie des satellites pour chercher les livres dénoncés. Les satellites de cette ville sont renommés pour leur férocité, et nos annales font foi de leur haine contre la religion ; mais cette fois ils eurent sans doute une consigne sévère, car leur conduite fut honnête et digne d’agents civilisés. Arrivés sur les lieux, ils font leur visite et ne trouvent rien ; tous les objets suspects avaient été cachés. Ils pressent et menacent le père du prisonnier, lui déclarant qu’ils ne quitteront son domicile qu’après avoir atteint le but de leurs perquisitions.