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quelques chrétiens vivent en secret au milieu des païens. Ces derniers, soupçonnant la présence d’un missionnaire, firent bonne garde tout le jour suivant autour de la maison dans laquelle j’étais caché, et voulurent même l’envahir pour me prendre. Mais un catéchumène, que les païens regardaient comme un de leurs plus fidèles coreligionnaires, les détourna de ce projet, et leur montra la gravité du danger qu’ils allaient courir en pénétrant ainsi de force dans une maison étrangère ; car, s’ils n’y trouvaient rien de suspect, ils s’exposaient, pour leur témérité, à être punis du dernier supplice. Touchés par cette considération, ils n’osèrent pénétrer dans la maison, mais ne laissèrent pas cependant d’en garder toutes les issues, afin de me prendre si je sortais. Je parvins néanmoins à m’évader de grand matin à la faveur des ténèbres, laissant plongés dans la désolation et privés des sacrements ces malheureux chrétiens qui les attendaient avec impatience depuis deux ans. Oh ! qu’il est douloureux d’être contraint, à cause des persécutions des méchants, d’abandonner ces pauvres faméliques sans les avoir rassasiés, et de les voir réduits à une telle détresse, sans espérance, au moins pour le moment, de les en tirer !

« Mais détournons nos regards de ce triste spectacle pour les reposer sur un sujet plus agréable. Un jeune homme ayant entendu dire que dans le village de Kan-ouel, éloigné de plusieurs jours de marche de sa ville natale, il y avait des hommes pratiquant une religion particulière, s’en vint, poussé par la curiosité, trouver le catéchiste de ce lieu, le priant de l’instruire de cette sainte doctrine. Celui-ci, suspectant ses intentions, refusa de condescendre à ses désirs et le renvoya aussi ignorant qu’il était venu. Le jeune homme revint à la charge quelque temps après, et s’efforça de tout son pouvoir de prouver au catéchiste la sincérité de son cœur. Vains efforts ! Chassé une seconde fois, il revint une troisième. Enfin le catéchiste, cédant à ses importunités, et convaincu que cet homme cherchait la vérité, consentit à lui expliquer les éléments de la religion chrétienne, et lui donna même un petit manuel de piété, un recueil de prières et un catéchisme. Ravi de joie, notre catéchumène transcrivit de sa propre main les livres qui lui étaient nécessaires ; puis, riche de ce trésor inestimable, il s’en retourna chez lui où il n’eut rien de plus pressé que de faire participer ses amis intimes, ses parents et toute sa famille au bienfait de la vérité qu’il venait de recevoir. Peu après, lui et tous ceux qu’il avait convertis quittèrent leur ville natale, où ils ne pouvaient pratiquer assez libre-