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Je remédiai à l’inconvénient de la moustache, en la teignant chaque matin avec de l’encre. De cette manière, je suis arrivé tranquillement à ma destination, bénissant la divine Providence qui m’a protégé pendant ce long et périlleux voyage. »

La santé de M. Berneux se ressentait de tant de courses et de fatigues qui avaient succédé aux souffrances d’une longue captivité. La nécessité où il se trouva d’apprendre la langue chinoise, avant de se livrer à ses travaux apostoliques, lui procura le repos physique dont il avait absolument besoin, et lui permit de refaire un peu ses forces. Dans une lettre du 27 mars 1844, quelques jours après son entrée en Mandchourie, il exprimait ses regrets d’avoir fait en vain de si longs voyages et d’avoir été pendant tant d’années privé du bonheur de prêcher l’Évangile aux infidèles. « On dirait vraiment, » écrivait-il, « que je ne suis venu en mission que pour courir d’un pays à un autre, et faire un cours de géographie pratique, sans être destiné à travailler à la gloire de Dieu et au salut des âmes. « Il devait y travailler encore longtemps, et avec un grand succès. « La Mandchourie et la Corée se touchent, » lui avait dit à Hong-kong le procureur des Missions-Étrangères en lui donnant sa nouvelle destination ; « qui sait si vous ne pourriez pas franchir un jour la frontière, pour aller chercher en Corée la chance du martyre, chance heureuse que vous avez perdue au Tong-king ? » La divine Providence le destinait en effet à franchir cette frontière, et à donner son sang pour Jésus-Christ ; mais elle permit qu’il restât d’abord en Mandchourie pendant onze ans.

M. Berneux se mit à l’étude de la langue chinoise avec tant d’ardeur, qu’après six mois il put commencer à entendre les confessions, et à faire l’administration des chrétiens. La dispersion des néophytes sur une immense étendue de territoire lui causait beaucoup de fatigues. Il se passait peu d’années sans qu’il fût obligé de faire sept à huit cents lieues, et il était surpris de sentir sa santé, si faible jadis, résister à ces voyages continuels. « Je suis très-étonné moi-même, » écrivait-il à Mgr Bouvier, évêque du Mans, « je suis très-étonné des forces corporelles que le bon Dieu me donne. Sans être robuste, je ne cesse de courir d’une extrémité à l’autre de notre mission, par le froid, la chaleur, la neige et la pluie, mal logé et mal nourri dans les auberges. Eh bien ! je n’ai pas été malade une seule fois. Lorsque je suis harassé, je me repose deux jours ; et je reprends aussitôt ma vie vagabonde, plus heureux mille fois que je n’ai jamais été avant de venir en mission. »