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ancêtres qu’il faut détruire, les liens si nombreux et si chers du sang et de l’amitié qu’il faut rompre, ne sont que le premier signal et le début des persécutions. La grâce fortifiant son cœur, Tso mesura, sans trouble, l’étendue des sacrifices, et n’en résolut pas moins de tout mépriser pour servir son Dieu. Après avoir éloigné ses parents sous divers prétextes, il convoqua près de lui quelques chrétiens, et livra aux flammes sa maison et tout ce qu’il possédait, sans laisser néanmoins soupçonner aux païens que l’incendie était volontaire. Affectant alors un profond dégoût pour la société, il déclara qu’il voulait renoncer à tout commerce avec ses semblables, et vivre désormais comme un homme mort civilement. Dans une de mes visites, je baptisai ce fervent catéchumène, et lui donnai le nom de Paul, l’exhortant à imiter ce bienheureux apôtre, qui de persécuteur de l’Église en était devenu l’oracle et le plus ardent défenseur. Tso se mit aussitôt à l’œuvre. Le premier qu’il essaya d’amener à la lumière de l’Évangile fut son jeune frère, lettré de la plus grande distinction, qui, à la considération dont il jouissait dans le monde, joignait l’espoir bien fondé de monter aux plus hautes dignités. Malheureusement, trop sage à ses propres yeux, il ne voulut pas comprendre la vérité, et s’efforça même par ses sophismes de ruiner la foi dans le cœur du nouveau converti. Obligé par la loi de respecter ce frère aîné, il n’osait le persécuter ouvertement ; mais il se dédommageait de cette contrainte par la violence des tracasseries secrètes. Il s’avisa un jour de se mettre au lit, jurant qu’il ne boirait et ne mangerait rien avant d’avoir reçu sous serment l’apostasie du néophyte. Huit jours de jeûne l’avaient réduit à la dernière extrémité, lorsque Paul accourut au secours de ce misérable. « Pourquoi, » lui dit-il, « pourquoi tant de folie ? Tu ne veux pas que j’aille à Meng-he-mok-i ; eh bien ! je ne veux plus y aller : prends donc la nourriture nécessaire pour retenir la vie qui t’échappe. »

« Ne pouvant rien obtenir de son frère, le jeune lettré tourna toute sa fureur contre les chrétiens. « Je ferai venir les satellites, » leur dit-il, « et vous serez tous enchaînés. » À cette menace, les fidèles détruisent leur petit oratoire, abandonnent les travaux de l’agriculture, et s’enfoncent dans la profondeur des bois, où les attendent des souffrances sans nombre et une misère sans bornes. Heureux encore si leurs infortunes ne devenaient pas une pierre de scandale pour les païens ! Car, témoins chaque jour de la vie triste et solitaire que nos frères mènent dans les forêts et les montagnes, témoins de la pauvreté et de l’opprobre