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« On m’en citait, il y a peu de temps, quelques-uns qui, chassés par la persécution, s’étaient réunis en deux ou trois maisons, et n’avaient pu depuis relier communication avec les autres chrétiens. Désespéré de cet état d’isolement, l’un d’eux partit un jour à la découverte et, déguisé en marchand ambulant ou en mendiant, parcourut grand nombre de villages faisant un petit commerce ou demandant du pain. En recevant l’aumône, il faisait son signe de croix. Dieu bénit ses efforts. Il s’adressa une fois à un chrétien qui, remarquant son signe de croix, l’engagea à entrer. Ils se reconnurent de part et d’autre comme chrétiens, et purent dès lors avoir des relations suivies. Mais combien d’autres sont moins heureux, et soupirent en vain après la connaissance distincte de la religion et de ses préceptes ! Ils ignorent souvent les vérités les plus nécessaires et jusqu’à la forme du baptême. C’est ainsi que, l’hiver passé, à la capitale, une chrétienne isolée chez les païens, sur le point de perdre un enfant en bas âge, pleurait de ne pouvoir lui donner le baptême ; mais elle ignorait en quoi il consistait. Seulement elle se rappelait que sa mère lui avait parlé de la religion, lui avait enseigné l’existence du ciel et de l’enfer, et lui avait dit que le baptême est nécessaire pour aller au ciel. Le pauvre enfant mourut sans que personne pût le secourir. Plusieurs mois plus tard, le frère de cette femme, perdu lui aussi chez les païens, connut providentiellement quelques chrétiens et se mit à pratiquer la religion. Il a été notre domestique pendant cette année, et a dû aller porter à sa sœur la bonne nouvelle.

« Notez qu’à la capitale, les chrétiens ne se connaissent pas les uns les autres. Ils se cachent le mieux possible pour éviter d’être dénoncés pendant les persécutions, et n’ont de rapports entre eux que par l’entremise de deux ou trois hommes dévoués. De là vient que quelquefois toute communication se trouve interrompue malgré eux. Aujourd’hui, par exemple, si deux individus mouraient, plusieurs centaines de néophytes de la capitale ne sauraient plus comment trouver les autres fidèles. Terrible position, direz-vous, et cependant il est certain que sans ces précautions, ils n’échapperaient pas à la persécution, car à chaque moment, les chrétiens connus de la capitale sont trahis et dénoncés ; et les supplices que subissent les prisonniers leur font avouer à peu près tout ce que l’on veut. »

Malgré toutes les difficultés et tous les obstacles dont les lettres que nous venons de citer nous donnent une idée bien incomplète, l’œuvre de Dieu avançait en Corée. À la fin de 1850, malgré la