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capitale, retentit pendant plusieurs mois des gémissements officiels prescrits par les rites. L’abstinence complète de viande devait, selon l’habitude, durer cinq mois dans tout le royaume, mais par une dérogation jusqu’alors sans exemple, le nouveau roi en dispensa son peuple, à cause des travaux et des chaleurs de l’été.

À l’avènement de ce prince, tiré de la misère et de l’exil, il y eut un changement complet de gouvernement. Le premier ministre du défunt fut condamné à s’empoisonner de ses propres mains, la plupart des hauts fonctionnaires furent exilés. Les chrétiens ne pouvaient que gagner à ces petites révolutions de palais, car tous les disgraciés étaient leurs ennemis mortels. Ce qui augmentait encore leurs espérances de paix et de liberté, c’était l’état général des esprits. Les haines religieuses semblaient apaisées ; bon nombre de mandarins, fatigués de la persécution, évitaient toutes les occasions de la raviver.

« Dans les derniers jours de 1848, » écrit M. Daveluy, « nous fûmes dénoncés directement par un mauvais sujet, ivrogne de profession. Il nous connaît parfaitement, nous a vus souvent chez ses parents, qui tous sont chrétiens, ainsi que sa femme et ses enfants. Il s’avisa, je ne sais trop pourquoi, de dénoncer au mandarin sa propre famille comme recevant les Européens. Le mandarin craignant d’entendre de telles révélations, le fit fustiger en lui reprochant sa mauvaise conduite et son mauvais cœur. Il répondit que si on ne le croyait pas sur parole, il s’engageait à livrer les prêtres quand ils viendraient faire l’administration des chrétiens du pays ; pour toute réponse, on redoubla les coups, et à la fin force lui fut de se taire. Depuis cette époque, il dit toujours qu’il nous saisira, et attend le moment propice ; heureusement il n’est pas assez rusé. J’ai été dans ce village, j’y ai passé quatre jours, j’ai administré plus de deux cent cinquante chrétiens, et il n’a rien su ni rien vu. Un mauvais mandarin, en pareille circonstance, eût suscité bien des misères et tracassé les chrétiens. Celui-ci n’est pas le seul de son opinion ; dans d’autres endroits, plusieurs faits moins graves, quoique compromettants, n’ont pas eu non plus de mauvaises suites. De là nous concluons que notre existence se consolide, ou du moins ne court pas de plus grands dangers qu’auparavant ; nous espérons que Dieu veut protéger nos chrétiens, et le changement à notre égard de beaucoup de païens, la diminution des préventions contre la religion dont nous sommes les ministres, tout nous fait croire que, peut-être, le jour de la délivrance et de la liberté luira bientôt.

« En attendant, la chrétienté se raffermit. Les divers abus