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fois, on la repoussa encore. L’évêque la fit comparaître devant lui ; il employa inutilement les conseils, les exhortations, enfin il excommunia la jeune fille et ses parents. Malgré tous ces obstacles elle demeura inébranlable dans son projet. Elle redoublait ses mortifications ; quelquefois elle éclatait en sanglots, et versait d’abondantes larmes sur sa triste destinée. Le soir elle quittait la maison, et sans redouter la rencontre du tigre, elle allait dans un endroit solitaire sur le bord d’un torrent, où elle passait la nuit en prières.

« Je devais aller dans ce pays après avoir visité une partie de mes chrétiens. Je devais même, en attendant le moment de commencer une nouvelle mission, me reposer un peu chez mon catéchiste Léon, et Barbe ne demeurait qu’à un mille de là. Dès qu’elle apprit mon arrivée, elle accourut transportée de joie pour me faire une visite, et ne pensa plus qu’au moyen de recevoir les sacrements. C’était chose moralement impossible. Le lieu où j’étais ne dépendait pas de mon district, par conséquent je n’y avais aucune juridiction ; en outre, cette pauvre fille était sous le coup de l’interdit porté par l’évêque. Elle montrait à ses amies son examen de conscience écrit, en leur disant : « Comment donc ces péchés seront-ils remis ? — Si seulement j’étais malade comme vous, » disait-elle à une autre, « peut-être que le Père m’accorderait les sacrements ! » Elle passa la nuit à prier et à pleurer. Au point du jour elle tomba subitement malade, et demeura étendue sur son lit, en proie à d’horribles souffrances. Ce jour-là même, je dus entendre sa confession, et le lendemain, je lui administrai la très-sainte Eucharistie. Elle ne cessa, au milieu des plus vives douleurs, d’invoquer Notre Seigneur Jésus-Christ et la très-sainte Vierge. Ceux qui l’entouraient croyaient qu’elle allait mourir à chaque instant, et l’engageaient à recevoir l’Extrême-Onction. Elle leur répondit que rien ne pressait pour le moment, et voulut être reportée dans sa maison. Le lendemain soir, elle pria les personnes présentes de vouloir bien m’appeler. Celles-ci lui firent observer que ce n’était pas le moment de prévenir le Père, que le danger n’était pas si pressant, qu’elle n’était pas sur le point de mourir, et qu’elle irait certainement jusqu’au lendemain. « C’est vrai, » leur répondit Barbe, « c’est pour le Père une chose très-pénible de venir jusqu’ici, au milieu des ténèbres et par des chemins aussi difficiles. Je suis bien désolée de lui causer tant de peines, mais il faut que je le voie, ne le trouvez pas mauvais ; allez l’appeler pour l’amour « de Dieu. » Je vins donc et lui administrai les sacrements de