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les trois ennemis, c’est-à-dire les trois concupiscences, supportiez patiemment la persécution et, pour la gloire de Dieu, efforcez-vous de travailler au salut de ceux qui resteront. Le temps de persécution est une épreuve de Dieu ; par la victoire sur le monde et le démon on acquiert la vertu et des mérites. Ne vous laissez pas effrayer par les calamités, ne perdez pas courage, et ne reculez pas dans le service de Dieu, mais plutôt, suivant les traces des saints, augmentez la gloire de l’Église et montrez-vous les vrais soldats et sujets du Seigneur. Quoique nombreux, que votre cœur soit un ; n’oubliez pas la charité, supportez-vous et aidez-vous les uns les autres, et attendez le moment où Dieu aura pitié de vous. Le temps ne me permet pas d’en écrire davantage. Mes chers enfants, j’espère vous rencontrer tous au ciel pour y jouir avec vous du bonheur éternel. Je vous embrasse tendrement.

« André Kim, prêtre. »


« P. S. Tout ici-bas est ordonné de Dieu, tout est de sa part récompense ou punition ; la persécution elle-même n’arrive que par sa permission, supportez-la patiemment et pour Dieu ; seulement, conjurez-le avec larmes de rendre la paix à son Église. Ma mort vous sera sans doute sensible et vos âmes se trouveront dans la détresse ; mais, sous peu, Dieu vous donnera des pasteurs meilleurs que je ne suis. Ne vous contristez donc pas trop, et efforcez-vous par une grande charité de servir Dieu comme il mérite d’être servi. Restons unis dans la charité, et après la mort, nous serons unis pour l’éternité, et nous jouirons de Dieu à jamais. Je l’espère mille fois, dix mille fois. »


Trois jours après avoir écrit sa lettre à Mgr Ferréol, André y ajouta le post-scriptum suivant : « J’acquiers aujourd’hui la certitude que des navires français sont venus en Corée. Ils peuvent facilement nous délivrer, mais s’ils se contentent de menacer et s’en retournent ainsi, ils font un grand mal à la mission, et m’exposent à des tourments terribles avant de mourir. Mon Dieu ! conduisez tout à bonne fin ! »

En apprenant l’arrivée des Français, André crut un instant à sa prochaine délivrance. Il dit aux chrétiens captifs avec lui : « Nous ne serons pas mis à mort. — Quelle preuve en avez-vous ? » lui répondirent ceux-ci. — « Des navires français sont en Corée, l’évêque et le P. An (nom coréen de M. Daveluy) ne manqueront pas de leur faire connaître notre position. Je connais le grand chef ; à coup sûr il nous fera mettre en liberté. »