Page:Dallet - Histoire de l'Église de Corée, volume 2.djvu/319

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

créateur du ciel et de la terre, des hommes et de tout ce qui existe, c’est lui qui punit le crime, et récompense la vertu : d’où il suit que tout homme doit lui rendre hommage. Pour moi, ô mandarin, je vous remercie de me faire subir des tourments pour son amour ; que mon Dieu vous récompense de ce bienfait en vous faisant monter à de plus hautes dignités. » À ces paroles, le mandarin se prit à rire avec toute l’assemblée. On m’apporta ensuite une cangue longue de huit pieds. Je la saisis aussitôt et la posai moi-même à mon cou, aux grands éclats de rire de tous ceux qui étaient présents. Puis on me jeta en prison avec les deux matelots qui déjà avaient apostasié. J’avais les mains, les pieds, le cou et les reins fortement liés, de manière que je ne pouvais ni marcher, ni m’asseoir, ni me coucher. J’étais, en outre, oppressé par la foule de gens que la curiosité avait attirés auprès de moi. Une partie de la nuit se passa pour moi à leur prêcher la religion ; ils m’écoutaient avec intérêt et m’affirmaient qu’ils l’embrasseraient, si elle n’était prohibée par le roi.

« Les satellites ayant trouvé dans mon sac des objets de Chine, crurent que j’étais de ce pays, et le lendemain le mandarin me demanda si j’étais Chinois. « Non, lui répondis-je, je suis Coréen. » N’ajoutant pas foi à mes paroles, il me dit : « Dans quelle province de la Chine êtes-vous né ? — J’ai été élevé à Macao, dans la province de Kouang-tong ; je suis chrétien : la curiosité et le désir de propager ma religion m’ont amené dans ces parages. » Il me fit reconduire en prison.

« Cinq jours s’étant écoulés, un officier subalterne, à la tête d’un grand nombre de satellites, me conduisit à Hait-sou, métropole de la province. Le gouverneur me demanda si j’étais Chinois ; je lui fis la même réponse qu’au mandarin de l’île. Il me fit une multitude de questions sur la religion. Je profitai avec empressement de l’occasion, et lui parlai de l’immortalité de l’âme, de l’enfer, du paradis, de l’existence de Dieu et de la nécessité de l’adorer pour être heureux après la mort. Lui et ses gens me répondirent : « Ce que vous dites là est bon et raisonnable ; mais le roi ne permet pas d’être chrétien. » Ils m’interrogèrent ensuite sur bien des choses qui pouvaient compromettre les chrétiens et la mission. Je me gardai bien de leur répondre. « Si vous ne nous dites la vérité, » reprirent-ils d’un ton irrité, « nous vous tourmenterons par divers supplices. — Faites ce que vous voudrez. » Et courant vers les instruments de torture, je les saisis et les jetai aux pieds du gouverneur, en lui disant : « Me voilà tout prêt, frappez, je ne crains pas vos tourments. » Les satellites les