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enlevant tout ce qu’ils trouvaient, maisons, habits, meubles, provisions, et traînant en prison ceux qui faisaient la moindre résistance. Que de fois, après deux ou trois ans de séjour, quand le terrain était devenu moins ingrat à force de travail, nos chrétiens furent forcés de transporter ailleurs leurs pauvres habitations ! Que de fois ils durent abandonner leurs récoltes sur pied, et s’enfuir, sans savoir de quel côté tourner leurs pas, sans autre ressource que la confiance en celui qui nourrit les oiseaux du ciel et donne la pâture à leurs petits ! Trop heureux encore si dans cette vie quasi nomade, ils avaient toujours su conserver intactes leur foi et leur innocence ! Mais cet état de dispersion et de vagabondage avait amené l’ignorance, et avec elle les nombreuses misères spirituelles qui en sont la suite. Peu savaient lire, ou, s’ils parvenaient à déchiffrer quelques caractères, le sens leur en restait caché. Pas d’écoles possibles, tant à cause de leur pauvreté, qu’à cause du danger d’être découverts par les païens.

Et cependant, telle est la vitalité, la force convertissante de la religion chrétienne, que même dans ces circonstances si défavorables, il y avait encore des conversions. Depuis le martyre des missionnaires, près de deux cents néophytes, en moyenne, s’étaient présentés chaque année, pour combler les vides faits par la persécution. Laissant leurs maisons, leurs familles, leurs terres, ils venaient dans les déserts partager les souffrances de leurs nouveaux frères, et obéir à la voix de Dieu qui seule les appelait.

Dès le mois de janvier, M. Daveluy, qui déjà avait administré plus de soixante personnes aux environs de sa retraite, put se mettre en campagne pour commencer la visite des chrétiens. Son apprentissage fut pénible. Le froid était très-vif, presque partout les chemins et les sentiers avaient disparu sous la neige, et en cinquante jours il eut à parcourir plus de vingt-cinq localités différentes, distantes les unes des autres de deux, quatre et même sept ou huit lieues.

« Arrivé, dans une chrétienté, écrivait-il alors, souvent je n’ai que vingt-quatre heures à y rester, vu le petit nombre de fidèles. Je dois donc entendre les confessions immédiatement, ensuite suppléer les cérémonies du baptême ou administrer ce sacrement, aux adultes d’abord, puis aux enfants, cérémonies fort longues et assez fatigantes. Quand tout est fini, il est bien tard, il faut réciter le bréviaire, auquel, en l’honneur de Marie ma bonne mère, j’ajoute le chapelet. Elle me pardonnera bien d’avoir sommeillé plus d’une fois pendant ce temps ; la nature a ses droits contre lesquels on ne peut pas prescrire. Enfin je dors jusqu’au matin,