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petits États des Ou-kin et des Tu-pi-latse ou Tartares aux peaux de poissons ; à l’orient, par la mer du Japon, ils confinent avec la Corée au midi.

« Depuis qu’ils ont conquis la Chine, leur pays est désert ; d’immenses forêts, où le voyageur ne rencontre aucun être humain, en couvrent une partie ; le reste est occupé par quelques stations militaires, s’il faut appeler de ce nom un petit nombre de familles tartares, groupées ensemble à des distances très-considérables. Ces familles sont entretenues aux frais de l’empereur ; il leur est défendu de cultiver la terre. Il semble qu’elles ne sont là que pour faire acte de présence, et dire aux peuplades du nord, très-timides d’ailleurs et se trouvant assez au large dans leurs bois : « Ne descendez pas ; le pays est occupé. » Des Chinois clair-semés qui défrichent, en fraude de la loi, quelques coins du pays, leur vendent le grain nécessaire à leur subsistance.

« La Mandchourie paraît très-fertile ; on le reconnaît à l’herbe luxuriante qui s’élève à hauteur d’homme. Dans les endroits cultivés, elle produit le maïs, le millet, le sarrasin, le froment en très-petite quantité. Si cette dernière récolte n’est pas plus abondante, il faut l’imputer, je crois, à l’humidité du sol et aux brouillards dont il est souvent couvert.

« Votre Grandeur demandera peut-être la cause de la solitude qui règne en Mandchourie. Ce fut une politique du chef de la dynastie chinoise actuelle, de transplanter, lors de la conquête, son premier peuple dans le pays envahi. Quand il fit irruption dans l’empire, il emmena avec lui tous ses soldats avec leurs familles, c’est-à-dire tous ses sujets ; il en laissa une partie dans le Léao-tong, et distribua le reste dans les principales cités chinoises. Il s’assurait ainsi la possession de ces villes, en y jetant une population nouvelle, intéressée à les maintenir dans le devoir, à étouffer les révoltes dans leur naissance, et à consolider sa puissance sur le trône impérial.

« Cet état de choses a duré jusqu’à nos jours. Ces deux nations, les Chinois et les Mandchoux, quoique habitant depuis deux siècles dans la même enceinte de remparts, et parlant le même langage, ne se sont pas fondues : chacune conserve sa généalogie distincte. Aussi, en entrant dans une auberge, en abordant un inconnu, rien de plus commun que cette question : « Ni che ming jeu, khi jeu ? — Es-tu Chinois ou Mandchou ? » On désigne les premiers par le nom de la dynastie des Ming, et les seconds par le nom de bannière. C’est que les Mandchoux, dans le principe,