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tête. » Je l’invitai ensuite à me parler coréen ; il s’en excusa en me disant qu’il avait oublié sa langue, et que d’ailleurs je ne le comprendrais pas. Il était loin de soupçonner que j’étais un de ses compatriotes.

« Outre son marché international, le village de Houng-tchoung est encore célèbre dans le pays par le commerce du hai-tshai (herbe marine), qu’on pêche dans la mer du Japon à peu de distance du rivage. Les hommes qui le recueillent montent dans des barques, s’écartent de la côte, puis se ceignant les reins d’une espèce de sac, plongent dans l’eau, remplissent le sac, remontent pour le vider, et plongent de nouveau jusqu’à ce que la nacelle soit comble. Les Chinois sont friands de ce légume et en font une grande consommation ; on rencontre sur les routes des convois de charrettes qui en sont chargées.

« Quand nous arrivâmes à la frontière, il devait s’écouler huit jours avant l’ouverture de la foire. Que le temps me parut long ! Qu’il me tardait de reconnaître, au signal convenu, les néophytes coréens et de m’aboucher avec eux ! Mais force fut bien d’attendre. « Hélas ! me disais-je, ces peuples en sont encore à cet état de barbarie de ne voir, dans un étranger, qu’un ennemi dont il faut se défaire, et qu’on doit rejeter avec horreur de son pays ! » Comme je comprenais alors cette vérité, que l’homme n’a pas de demeure permanente ici-bas, qu’il n’est qu’un voyageur de quelques jours sur la terre ! Moi-même je n’étais souffert en Chine que parce que l’on me croyait Chinois, et je ne pouvais fouler le sol de ma patrie que pour un instant et en qualité d’étranger. Oh ! quand viendra le jour où le Père commun de la grande famille humaine fera embrasser tous ses enfants dans l’effusion d’un baiser fraternel, dans cet amour immense que Jésus, son Fils, est venu communiquer à tous les hommes !

« Avant de partir, vous m’aviez recommandé, Monseigneur, de prendre des renseignements sur le pays que j’aurais à parcourir. J’ai tâché de me conformer aux intentions de Votre Grandeur. En observant moi-même, en interrogeant les autres, en faisant un appel aux souvenirs de ma première jeunesse, passée dans les écoles de la Corée, j’ai pu recueillir les détails que je vais vous soumettre. Je serai le plus bref possible.

« Les Mandchoux proprement dits sont disséminés sur un vaste terrain, moins étendu cependant que ne l’indique la carte européenne que j’ai sous les yeux ; ils ne vont guère au delà du 46° de latitude. Bornés, à l’occident, par la barrière de pieux et le Soungari, qui les séparent de la Mongolie ; au nord, par les deux