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les lettres de MM. Maubant et Chastan, et une lettre des chrétiens dans laquelle était exprimé leur désir de recevoir de nouveaux pasteurs.

André engagea François à revenir avec lui à Pien-men pour préparer rentrée de M. Maistre ; mais François lui représenta que la chose n’était pas possible. Ses compagnons de voyage étaient tous païens, et c’était par la faveur de quelques-uns d’entre eux qu’il avait obtenu la permission d’aller à Péking. Il était inscrit sur la liste de ceux qui accompagnaient les ambassadeurs, et s’il venait à disparaître, on concevrait des soupçons qui pourraient devenir la cause d’une nouvelle persécution.

L’intrépide André Kim résolut alors d’entrer seul en Corée, afin de tout disposer pour l’introduction de M. Maistre au mois de février. Il se dirigea vers Pien-men où il séjourna un jour, occupé à façonner comme il put des habits de pauvre, dans lesquels il cacha cent taëls d’argent et quarante d’or. Il se procura aussi quelques petits pains et un peu de viande salée. Le lendemain, au point du jour, il fit ses adieux aux deux courriers chinois, et s’avança seul dans le désert qui sépare la Chine de la Corée. Il marcha tout le jour, et le soir, au coucher du soleil, il aperçut dans le lointain la ville d’Ei-tsiou. Son dessein était de couper des broussailles, d’en charger un fagot sur ses épaules, et de passer ainsi la douane comme un pauvre de la ville. Mais lorsqu’il voulut se mettre à l’œuvre, il s’aperçut qu’il avait oublié son couteau à Pien-men. Cet accident ne le découragea pas.

« Appuyé, écrit-il lui-même, sur la miséricorde de Dieu, et sur la protection de la bienheureuse Vierge Marie qui n’a jamais délaissé ceux qui ont eu recours à elle, je m’avançai vers la porte de la ville. Un soldat était sur le seuil, pour demander les passeports à ceux qui entraient. En ce moment arrivèrent des Coréens qui revenaient de Pien-men avec un troupeau de bœufs ; je me joignis à eux. Au moment où le soldat allait me demander mon passeport, il se rapprocha du bureau de la douane. Je me glissai de suite au milieu des bœufs, dont la haute taille me déroba un instant à ses regards. Tout n’était pas fini cependant, car on ordonnait à chacun de se présenter au bureau, et de décliner son nom, et comme il faisait déjà nuit, l’examen se faisait à la lueur des torches. Il y avait encore un autre officier qui se tenait sur un lieu plus élevé, afin que personne ne pût s’enfuir. Je ne savais trop que faire. Les premiers qui avaient été examinés commençaient à s’en aller : je me mis à les suivre, sans mot dire. Mais l’officier m’appela par derrière, me reprochant de m’en