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Il y eut, en tout, plus de soixante-dix chrétiens décapités. Environ soixante autres moururent, ou sous les coups, ou étranglés, ou des suites de leurs blessures. Les sentences officielles, semblables à celles que nous avons citées plus haut, portaient que les accusés se reconnaissaient coupables de professer une doctrine perverse. Refusaient-ils de signer, comme l’exige la loi du pays, on leur prenait la main, et on leur faisait tracer de force les caractères voulus.

Nous avons dit que plusieurs de ces confesseurs avaient eu d’abord la faiblesse d’apostasier, mais, comme on l’a vu, presque tous firent une rétractation solennelle, et leur mort atteste la sincérité de leur repentir. Aussi les bourreaux eux-mêmes répétaient : « Les chrétiens ne renoncent à leur Dieu que de bouche, leur cœur ne change jamais. » On sait d’ailleurs par les chrétiens emprisonnés avec eux, et plus tard rendus à la liberté, que tous, même les plus faibles, même les enfants, moururent la joie dans le cœur et les louanges de Dieu sur les lèvres.

Cette fois encore, Dieu punit dès ce monde les principaux instigateurs de la persécution.

Le ministre Tsio, grand-oncle maternel du roi, ayant excité par son arrogance la jalousie de son neveu, fut forcé de s’empoisonner lui-même, au milieu d’un grand festin, en décembre 1845. Le ministre Ni Tsien-i, tombé en disgrâce, fut envoyé en exil, où il mourut après quelques mois. Le traître Kim Ie-saing-i, à qui l’on avait fait espérer les plus hautes dignités, n’obtint en récompense qu’une fonction subalterne, un titre honorifique assez insignifiant, et nul profit matériel. Les païens eux-mêmes l’avaient en horreur et le regardaient comme un monstre. L’année suivante, de concert avec un autre scélérat nommé Hong En-mo, fils de ce Hong Na-kan-i qui s’était montré, en 1791 et 1801, l’ennemi si acharné de la religion, Ie-saing-i voulut de nouveau vexer les chrétiens. Mais le juge criminel les fit saisir tous les deux, fustiger sévèrement et condamner à l’exil perpétuel dans les îles. Hong En-mo y mourut peu après. Ie-saing-i, sur les instances de son père, fut gracié en 1853. À peine revenu, il se trouva impliqué dans un crime grave commis par un petit mandarin de la province septentrionale, fut ramené avec son complice à la capitale, chargé de fers, et n’aurait pas évité la mort, si ce mandarin n’eût été le père d’une des concubines du ministre. Celui-ci fit commuer, pour les deux coupables, la peine de mort en exil perpétuel. Rentré dans son pays, par suite d’une amnistie générale, Ie-saing-i se mit, en 1862, à la