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et indigne de véritables chrétiennes. Elles doivent au contraire louer Dieu, et le remercier pour un si grand bienfait. » Pierre fut décapité le 24 de la onzième lune, après sept mois de détention. Il avait alors cinquante-trois ans. Sa femme et sa fille ne le suivirent qu’un mois plus tard.

Pierre T’soi fut accompagné au supplice par six généreuses chrétiennes. C’étaient d’abord : Madeleine Ni, vierge, fille de Barbe T’sio ; Barbe Ko, femme du catéchiste Pak I-sien-i, et Élisabeth Tieng, vierge, sœur de Paul Tieng ; nous avons, plus haut, raconté leur martyre. Les trois autres se nommaient : Benoîte Hien, veuve ; Barbe Tsio, et Madeleine Han, veuve, sur lesquelles nous devons donner ici quelques détails.

Benoîte Hien, sœur de Charles Hien, serviteur de M. Chastan, était d’une famille d’interprètes, et fille de Hien Kiei-heum-i, martyr en 1801. Son frère Charles et sa vieille mère étaient réduits à une grande pauvreté, et la persécution les ayant forcés souvent à changer de demeure, il serait difficile de dire toutes les épreuves auxquelles Benoîte, qui vivait avec eux, fut soumise dès sa plus tendre enfance. Mariée, à dix-sept ans, au fils du glorieux martyr T’soi T’siang-hien-i, elle devint veuve après trois ans et, n’ayant pas d’enfant, retourna près de son père, où elle gagnait sa vie par la couture. Heureuse et tranquille dans son humble condition, d’une humeur toujours égale, elle remerciait Dieu de lui avoir donné le moyen de s’occuper librement du salut de son âme. On admirait la parfaite concorde et la régularité de cette pieuse maison. Les prières, méditations et lectures s’y faisaient à heures fixes : jamais de tiédeur ou de nonchalance au service de Dieu. Benoîte, à qui son travail procurait quelque argent, ne s’en réservait jamais une sapèque, mais donnait tout à son père. Non contente de travailler à sa propre sanctification, elle instruisait les ignorants, exhortait les tièdes, consolait les affligés, soignait les malades et ne manquait aucune occasion de donner le baptême aux enfants païens en danger de mort. Quand l’époque de la visite des prêtres était arrivée, elle réunissait les chrétiens chez elle, pour les préparer de son mieux à la réception des sacrements. Aussi fut-elle dénoncée une des premières quand éclata la persécution. Elle réussit à se cacher pendant quelque temps, mais, à la cinquième lune, elle tomba entre les mains des satellites.

Traduite devant le juge criminel, Benoîte eut à subir des tortures d’autant plus violentes, qu’on voulait savoir d’elle le lieu où son frère Charles était avec le prêtre. Elle fut frappée, fus-