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frances. Anastasie M, appelée Pong-keum-i, était un petit ange d’une piété charmante. Dès l’âge le plus tendre, les pieuses instructions de sa mère avaient jeté dans son cœur de profondes racines. Elle savait remplir ses devoirs, elle savait aussi aimer Dieu de tout son cœur. À dix ans, ayant appris tout son catéchisme et les longues formules des prières du matin et du soir, elle eut le bonheur de rencontrer le missionnaire, qui, frappé de ses dispositions précoces, lui permit la sainte communion. Anastasie avait répandu tant de larmes devant Dieu, dans la crainte de ne pas être admise à ce banquet céleste, qu’elle fut au comble de ses vœux. Son jeune cœur éclatait en transports de joie et de reconnaissance. Ce fut aussi un vrai jour de fête pour son père et sa mère, heureux du bonheur de leur enfant, juste récompense de leurs généreux efforts. La suite ne démentit pas les promesses de ce beau jour, et l’enfant ne cessait de croître en vertu et en piété, quand Dieu permit qu’elle passât par l’épreuve de la persécution. Le juge l’interrogea sur les prêtres européens, lui demandant s’ils avaient été chez elle, et où ils étaient à cette heure ? — « Oui, certainement ils sont venus chez moi, répondit-elle, mais j’ignore où ils sont maintenant. Comment voulez-vous qu’une petite fille, comme moi, soit au courant des affaires des missionnaires ? — Eh bien ! dit le juge, si tu veux renier ton Dieu et l’injurier, je te sauverai la vie. Sinon, ajouta-t-il d’un ton menaçant, je te fais mettre à mort. — Avant l’âge de sept ans, dit Anastasie, je n’avais pas l’usage de la raison, je ne savais pas lire et ne connaissais rien, je n’ai pu honorer Dieu comme il faut ; mais depuis l’âge de sept ans je le sers, et vous voulez que je le renie aujourd’hui ! vous voulez que j’en vienne à l’injurier ! non, quand je devrais mourir mille fois, je ne le puis. » Le juge n’osa pas cette fois exposer aux tortures une aussi jeune enfant, et on la renvoya à la prison.

Là, sa mère ne cessait de l’exhorter et usait de pieux artifices pour affermir son courage. « Pour toi, disait-elle, je suis bien sûre que tu apostasieras. » La petite fille de s’en défendre énergiquement, et la mère d’ajouter : « Si on te fait souffrir la torture, tu céderas de suite, tu n’es pas de taille à tenir ferme. » La jeune enfant renouvelait ses promesses de fidélité à toute épreuve, et la mère répétait : « Eh bien ! nous verrons si tu seras capable de quelque chose. » Les anges du ciel ne devaient-ils pas écouter avec complaisance les paroles de la mère et les élans d’amour que ses doutes affectés faisaient naître dans le cœur de cette enfant prédestinée ? Les satellites, les geôliers eux--