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péril et lui offrit un refuge. Elle répondit : « J’ai toujours désiré le martyre et je veux le partager avec mon fils Paul. » Elle fut arrêtée, en effet, le 9 de la sixième lune. Liée de la corde rouge, comme criminelle d’état, sans doute à cause du nom qu’elle portait, elle fut traduite devant le juge criminel, et, malgré son grand âge, mise à la question. Sa conduite et ses réponses furent jusqu’à la fin franches et dignes. Dans divers interrogatoires, elle subit les tortures accoutumées et reçut, en outre, deux cent trente coups de bâton. La loi ne permettant pas de décapiter les vieillards, elle languit quelques mois dans la prison et, consumée par les souffrances, rendit le dernier soupir, le 18 de la dixième lune, en prononçant les saints noms de Jésus et de Marie. Elle avait alors soixante-dix-neuf ans.

Restait à la prison sa fille Élisabeth, femme vraiment forte, élevée à l’école de l’adversité. Emprisonnée dès son enfance, elle ne sortit du cachot que pour aller, chez son oncle, partager les amertumes et les souffrances dont on abreuvait sa mère. Elle sut conserver sa foi au milieu des épreuves ; elle s’habitua à la pauvreté, au froid et à la faim, et s’appliqua avec tant de courage au travail des mains, qu’elle parvint, par la couture et le tissage, à soutenir sa mère, son frère Paul et elle-même. Ses beaux exemples rallièrent à la religion quelques-uns de ses parents, d’abord très-hostiles, et qui ne pouvaient pardonner au Dieu des chrétiens d’être la cause de la ruine de leur famille. D’une modestie admirable, Élisabeth ne se permit jamais de regarder un homme en face, fût-il de ses plus proches parents ; et de bonne heure, elle consacra à Dieu sa virginité. Elle eut à ce sujet, vers l’âge de trente ans, une tentation des plus violentes, qui dura plus de deux ans et ne servit qu’à donner à sa vertu une solidité inébranlable. Attaquant la nature révoltée par des mortifications et des jeûnes continuels, elle ne cessait de prier jour et nuit son divin Époux, et ses larmes lui obtinrent à la fin une complète victoire. On la vit souvent se priver du nécessaire, pour subvenir aux besoins des pauvres abandonnés, et elle profitait de ses relations avec eux, pour les instruire, les exhorter et les préparer aux sacrements. Ayant suivi sa mère et son frère au service des prêtres et de l’évêque, elle remerciait Dieu de l’avoir placée ainsi à la source des grâces, en lui rendant si facile la réception des sacrements, et fit preuve de beaucoup de dévouement et d’activité. Quand s’éleva la persécution, elle fut d’abord saisie de crainte, se disant que le martyre était au-dessus de ses forces, mais elle ne cessa pas néanmoins d’encourager et