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avait eus, aucune instance ne put le déterminer à se remarier, et il vécut désormais seul. Tout appliqué aux bonnes œuvres et jaloux de rendre service aux chrétiens, il accompagna plus d’un au M. Maubant dans ses tournées pour l’administration des sacrements. Quand éclata la persécution de 1839, il se dévoua pour aller partout recueillir des aumônes, qu’il faisait passer aux prisonniers. Plusieurs fois aussi il alla trouver l’évêque ou les prêtres dans leurs diverses cachettes, pour les tenir au courant des événements ; et quoique son nom fût très-connu, quoique le danger devint chaque jour plus pressant, il ne put jamais se décider à rester inactif. Il venait de prendre la résolution, avec plusieurs autres chrétiens, de recueillir tous les corps des martyrs que l’on n’avait pu encore ensevelir, et, cette œuvre achevée, d’aller se réfugier en province, quand, le 6 de la dixième lune, les satellites entrèrent brusquement dans la maison où il dormait. Réveillé par eux en sursaut, il fut un moment interdit, mais bientôt : « Dieu m’appelle, se dit-il. Dieu m’appelle par un bienfait spécial. Comment pourrais-je ne pas répondre à sa voix ? » Il fut lié de la corde rouge, conduit à la prison des voleurs et, le lendemain, cité devant le grand juge criminel qui l’interrogea sur toutes les affaires de la chrétienté. Tout étant connu alors, et la plupart des chrétiens déjà morts, il répondit sans détours. Le juge lui dit : « Tu es jeune et tu me parais bien né, pourquoi n’essayes-tu pas de te faire un nom dans les lettres ou dans les armes ? Pourquoi donc veux-tu, en suivant cette mauvaise doctrine, enfreindre les ordres du roi et te faire condamner à mort ? Maintenant encore, si tu la rejettes, j’en référerai aux ministres et je te sauverai la vie. Réfléchis un peu. Pourquoi t’obstiner ainsi à mourir sans motifs comme cette masse d’impies ? » — Jean répondit : « Comment pourrais-je désirer directement la mort ? Mais, pour obéir aux ordres du roi, il faudrait renier mon grand roi et père, créateur de toutes choses. Or, devrais-je mourir, je ne le puis. Il y a longtemps que j’ai pensé à tout ce que vous voulez bien me dire. Veuillez ne pas insister davantage. » On attendit quelque temps ; on lui donna du vin et de la nourriture ; on employa tous les moyens de persuasion, mais inutilement, et on le renvoya à la prison dans la salle des voleurs. Les chrétiens apostats y étaient pêle-mêle confondus avec eux ; c’était un spectacle affreux qui donnait l’idée de l’enfer. Jean, tout contristé, s’était assis sans savoir où porter ses yeux et ses pensées, quand tout à coup un mandarin subalterne le fit appeler et lui dit : « Tes habillements sont convenables ; tu as certainement quelque part de l’argent