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retour de Thomas, après quoi, voyant qu’ils avaient été joués, ils furent très-embarrassés de savoir comment agir avec Pierre Tseng. Les uns voulaient essayer de continuer avec lui leurs hypocrites manœuvres, les autres opinaient pour qu’on le livrât de suite aux mandarins, afin d’en tirer quelques aveux par la torture. Après de longs débats, ils se décidèrent à le lier, puis le suspendirent au plafond et le frappèrent cruellement ; Pierre n’ouvrit pas la bouche. Il était resté suspendu une demi-journée lorsqu’on le délia ; comme il semblait être à moitié mort, et avoir perdu connaissance, on le coucha dans une chambre. Les satellites en dehors de la porte se disputaient entre eux. « Nous avons eu tort, » disaient-ils, « ces supplices n’aboutissent à rien ; quand on voit des femmes et des enfants garder le silence sous les coups, comment croire qu’un des confidents des prêtres les dénoncera ? nous avons gâté l’affaire. » Puis ils éclatèrent en reproches contre l’auteur de la bastonnade, et celui-ci, vexé, se retira. Pierre avait entendu toutes leurs paroles sans qu’ils s’en doutassent. Ils revinrent près de lui et dirent : « Ce butor s’est montré trop violent, il a mal agi envers vous. Nous autres, nous sommes décidés à attendre que vous preniez des informations. »

On se remit donc en route, et bientôt Pierre demanda à se rendre seul dans un village près de là, pour s’enquérir de la demeure des prêtres. Les satellites refusèrent, et il leur dit : « Il m’est parfaitement inutile d’y aller avec vous, car en votre présence personne ne parlera. Il faut donc renoncer à rien faire ; conduisez-moi où vous voudrez, je n’ai plus rien à tenter. » Alors les satellites insistèrent : « Puisque vous ne nous croyez pas, montons à la capitale, et quand vous aurez vu la manière dont on y traite l’évêque, vos doutes cesseront. » Ainsi fut fait. À la capitale, on logea Pierre chez un des satellites, où il fut reçu en ami ; puis pour le tromper, on se hâta pendant la nuit de tapisser et d’orner une des salles de la prison, où l’on amena Mgr Imbert.

Pierre fut conduit devant lui, et le prélat lui dit aussitôt : « Sais-tu où sont les prêtres ? » Il répondit : « Avec quelques recherches, je pourrai sans doute les rencontrer. — Je crois bien, » reprit Sa Grandeur, « qu’ils n’ont pas reçu ma lettre ; veux-tu te charger de leur en porter une ? — Je suis disposé à exécuter vos ordres. » Et, sans plus de paroles, Mgr Imbert écrivit quelques lignes qu’il lui remit entre les mains. Pierre salua et se retira. Les satellites, enchantés, le félicitaient, et ne cessaient de lui parler de la manière honorable dont on traitait l’évêque. Mais Pierre, peu touché de leurs compliments, avait dès lors un double