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Quelques jours plus tard, le 5 de la huitième lune, 12 septembre, s’envolait aussi vers son Dieu, qu’il aimait et servait de si grand cœur, François T’soi, le chef des chrétiens de Sou-ri-san. Coupable d’avoir envoyé son fils à l’étranger, il eut à subir de si cruelles tortures, qu’il ne pouvait plus se servir d’aucun membre ; et néanmoins, au milieu de tant de souffrances, il semblait par son calme et sa tranquillité, défier tous les suppôts de Satan de le séparer de la charité de Jésus-Christ. Les bourreaux stupéfaits se disaient : « Ce n’est pas un homme revêtu de chair, c’est du bois, ou de la pierre. » En deux fois, on lui appliqua plus de cent coups de la planche à voleurs, et on ne conçoit pas qu’il ait pu survivre même quelques heures à cet horrible supplice ; son corps était littéralement broyé. Dieu ne permit pas cependant qu’il portât sa tête sous le sabre ; il languit encore quelques jours en prison, soutenant les autres prisonniers chrétiens, les fortifiant par ses exemples comme par ses paroles, et mourut des suites de ses blessures, à l’âge de trente-cinq ans.


Cependant, MM. Maubant et Chastan avaient reçu le billet que Mgr Imbert leur écrivit avant de se livrer aux satellites, et fidèles à ses recommandations, ils se tenaient cachés en lieu sûr, jusqu’à nouvel ordre. L’argent et les divers objets de la mission, provenant des aumônes de la Propagation de la foi, ayant été pillés dans la maison de Charles Tsio, les deux missionnaires se trouvaient absolument sans ressources. « M. Chastan et moi, dit à ce sujet M. Maubant, nous n’avions pu toucher une obole, et ne recevant d’ailleurs rien de nos chrétiens, qui presque tous sont réduits à l’indigence, nous avons été obligés de faire mendier notre pain, ce qui dans un temps où il faut nous cacher des néophytes imprudents aussi bien que des païens, n’est pas chose facile ; mais, après tout, c’est une misère humaine, qui, comme toutes celles de ce bas monde, aura sa fin. »

D’un autre côté, les recherches, dirigées par les plus habiles employés du gouvernement, étaient poussées avec activité. On négligeait d’arrêter les chrétiens ; tous les efforts étaient tournés contre les prêtres étrangers. On avait promis en récompense à qui les arrêterait, une préfecture s’il était noble, et s’il était roturier, exemption d’impôts pour toute sa famille.

Après quelques jours d’attente, l’élève de Monseigneur, Thomas Ni, qui se trouvait avec les prêtres, voulut retourner à la capitale, pour apprendre des nouvelles sûres, constater l’effet produit sur les mandarins et le peuple par l’arrestation de l’évêque, et voir de