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tribua ainsi à faire baptiser plus de 1,600 enfants moribonds. Il comptait sur les prières de ces petits anges pour attirer des grâces de conversion sur leurs apathiques compatriotes, car le zèle de la maison de Dieu le dévorait, et il ne pouvait sans frémir voir autour de lui tant de contrées où l’Évangile n’était pas annoncé.

« L’île de Nias, Padang, le royaume d’Ava, Quéda, le Laos, Achen, Lygor, voilà, écrivait-il, voilà bien des endroits où il faudrait des missionnaires, mais où les prendre ? Nous avons besoin d’un puissant renfort pour nous tirer de l’embarras où nous sommes. Envoyez-nous donc des missionnaires, mais envoyez-en de saints plutôt que de savants. Pour ce qui me concerne, je voudrais bien pouvoir aller évangéliser ces pauvres peuples ; mais il est inutile d’en parler à Monseigneur qui resterait seul ici, et son état d’infirmité ne me permet guère de le quitter, au moins avant que j’aie un remplaçant. Je suis maintenant chargé du soin de notre collège, où j’ai à faire deux classes de théologie par jour, quatre classes de latin, et deux conférences sur l’Écriture sainte, par semaine ; je suis obligé en outre d’exercer les fonctions curiales auprès de notre troupeau à Bang-kok. Je vous dis tout ceci pour vous faire sentir le besoin où nous sommes de collaborateurs. Si j’avais au moins un remplaçant, je pourrais suivre mon goût en allant prêcher aux idolâtres. »

Ces occupations multipliées n’empêchaient pas M. Bruguière d’écrire souvent en Europe pour réchauffer le zèle des associés de la Propagation de la foi, et faire naître des vocations. Les Annales de l’Œuvre ont publié à cette époque plusieurs lettres très-intéressantes de ce pieux et savant missionnaire. L’érudition, la finesse d’observation y sont jointes à une simplicité et à une ferveur apostolique qui en rendent la lecture aussi agréable qu’instructive. C’est dans une de ces lettres, que se trouve ce cri du cœur : « Depuis le martyre du prêtre envoyé en Corée, les chrétiens de ce royaume sont privés des secours de la religion. Il vient tous les ans une députation de ces fervents néophytes pour solliciter l’évêque de Péking de leur donner un missionnaire… Ils viennent d’écrire à Rome pour le même objet. C’est, si je ne me trompe, pour la seconde fois. Pourquoi dans toute l’Europe ne s’est-il pas encore trouvé un prêtre qui ait eu pitié de ces infortunés ? »

Il y avait deux ans que M. Bruguière travaillait à Bang-kok, lorsque Mgr Florent, par l’autorisation du Saint-Siège, le choisit pour son coadjuteur avec le titre d’évêque de Capse. Son premier mouvement fut de refuser ce fardeau, mais les circonstances étaient