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dévoilés, et la présence des trois Européens n’était plus ignorée de personne. Un décret de prise de corps fut porté contre eux par le gouvernement, et une grosse récompense promise à celui qui les arrêterait. Kim Ie-saing-i, le faux frère, s’offrit à les livrer, si on lui donnait les hommes nécessaires, ce qui fut accepté avec joie. Cet individu aussi rusé que méchant, s’attendait à rencontrer des difficultés, et par le fait, l’évêque, s’il n’était trahi, pouvait demeurer longtemps, sans le moindre danger, dans son asile. Les deux missionnaires de leur côté avaient aussi trouvé des retraites sûres.

Ie-saing-i, descendu en province, alla visiter quelques-uns de ses anciens amis chrétiens et leur dit : « À la capitale, nos frères les plus éclairés ont développé les vérités de la religion devant les mandarins. Par la grâce de Dieu, les magistrats, les ministres eux-mêmes ont ouvert les yeux, et, si l’Évangile leur est convenablement expliqué, tous sont disposés à le recevoir. Le temps de la liberté est enfin arrivé, et quand l’évêque ou les prêtres se présenteront, toute la cour va certainement se faire chrétienne. Je suis porteur d’une lettre de Paul Tieng pour l’évêque : indiquez-moi donc où il est. » Deux néophytes trompés par ces paroles, dirent que probablement André Tsieng connaîtrait sa demeure, et le traître, suivi des satellites, se fit conduire immédiatement chez ce dernier. André Tsieng Hoak-ieng-i, natif de Tsieng-san, était un excellent chrétien qui avait perdu sa petite fortune en quittant son pays natal pour pratiquer plus librement sa religion, et s’était dévoué au service de la chrétienté. Il avait pris beaucoup de peines, avec André Son, pour préparer un refuge à l’évêque, et il était effectivement dans le secret. Malheureusement sa simplicité passait toutes les bornes, et Dieu permit qu’il fût rencontré par les émissaires de Satan. Leur récit, qu’il ne songea nullement à mettre en doute, le transporta de joie. Cependant pour ne pas se compromettre, après y avoir songé toute la nuit, il dit qu’il irait seul aux informations. Pressé d’y aller en compagnie des envoyés, il y consentit enfin, à condition que ceux-ci resteraient à mi-route, et avec la détermination de ne pas pousser plus loin, si les autres le suivaient. Il partit donc avec Kim le-saing-i seulement ; celui-ci s’arrêta à quelques lys de la résidence de l’Évêque, et André alla seul trouver Mgr Imbert, auquel il raconta ce qui s’était passé. « Mon fils, lui dit le prélat, tu as été trompé par le diable. » Puis, réfléchissant que le traître était presque à la porte, que la fuite était devenue impossible et ne servirait qu’à faire torturer les