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chercher M. Maubant auquel il portait la lettre suivante de Monseigneur :

« Bien cher confrère, M. Chastan est arrivé avant-hier à minuit. Deo gratias. Votre catéchiste Jean est venu hier m’apprendre que tout est perdu, et qu’il ne manque plus que nous pour terminer la fête. Les satellites se répandent dans les campagnes pour nous arrêter. Il faut se livrer et payer de sa personne, au moins l’un de nous, et les deux autres sortir du royaume. Ainsi, venez de suite, car plus nous différons, plus il y a de danger. Venez vite, venez vite. Je fais partir une barque pour aller vous rencontrer. »

M. Maubant obéit de suite à cette invitation, et rejoignit ses confrères dans la nuit du 29 juillet. Nous ne savons pas en détail ce qui se passa dans cette réunion, et quelles mesures y furent prises. Une lettre de M. Maubant nous apprend que l’évêque voulait renvoyer les deux prêtres en Chine, par mer, et rester seul victime de la persécution. Mais outre que ces généreux missionnaires ne pouvaient pas consentir à quitter le pays dans de telles circonstances, le danger évident de mort pour les bateliers qui auraient tenté de les jeter sur les côtes de la Chine ou de la Mandchourie, fit abandonner ce projet.

Dès le lendemain 30 juillet, ils se séparèrent, avec la consigne à chacun d’être prêt à tout événement, et de se cacher aussi bien que possible, en attendant que la situation, mieux connue, permît à l’évêque de donner une décision définitive. Malgré la difficulté des temps et les dangers de toute nature, MM. Maubant et Chastan crurent devoir céder aux vœux ardents de trois petites chrétientés par où ils avaient à passer, et furent occupés une dizaine de jours à leur administrer les sacrements.

Le 31 juillet, les satellites se portèrent à Sou-ri-san, village chrétien à cinquante lys de la capitale, composé de plus de soixante personnes. François T’soi T’sioun-i, père du prêtre Thomas T’soi, alors élève à Macao, en était comme le chef. François, né à Ta-ri-kol, au district de Hong-tsiou, était le dernier de six enfants. Sa famille, fort riche, avait été l’une des premières converties quand l’Évangile pénétra en Corée ; aussi pratiqua-t-il la religion dès l’enfance. Mais bientôt, voyant qu’il rencontrait dans son pays natal trop d’obstacles au salut de son âme, et ne pouvant d’ailleurs déterminer ses aînés à quitter la maison paternelle, il partit sans rien dire à personne, en laissant seulement une lettre d’adieu. La lecture de cette lettre fit une grande impression sur tous ses frères, et de suite ils envoyèrent à sa recherche. De retour à la maison, François insista plus que jamais sur la nécessité où