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pays. André prit encore la précaution de placer un bateau près du village, pour que l’évêque pût fuir au besoin. Tout fut préparé à l’insu des chrétiens ; deux ou trois seulement furent mis dans le secret. André transporta à Siang-koi, par mer, d’abord sa famille, puis revint aussitôt après à la capitale, avec Dominique Kim, pour amener Mgr Imbert. Celui-ci avait grand besoin de repos ; il partit donc le 3 juin, descendit le fleuve en bateau, puis, par une navigation d’environ trente lieues, le long de la côte, à travers les nombreux îlots qui bordent la presqu’île coréenne, il arriva dans cet asile pour soulager un peu son corps fatigué, et rafraîchir son cœur abreuvé d’angoisses. Pendant ce temps, les deux autres prêtres, tout en se tenant sur leurs gardes, donnaient encore quelques soins aux chrétiens des provinces.

Vers la fin de juin, quelques jours avant la mort de l’ancien régent Kim Hoaug-san, une intrigue de palais mit presque toute l’autorité entre les mains de T’sio-pieng-kon, oncle du roi enfant ; c’était le plus grand ennemi des chrétiens. Aussi, dès le 7 juillet, dans une séance extraordinaire du conseil des ministres, un nouveau décret fut rédigé et proclamé au nom de la régente Kim, reprochant aux juges et aux chefs des satellites leur négligence à exterminer les chrétiens, et les menaçant des peines les plus sévères, s’ils ne mettaient désormais plus de zèle dans l’exercice de leurs fonctions.

Les faux frères mêlés aux chrétiens, et en particulier le traître Kim Ie-saing-i, n’avaient pas encore jeté le masque. Toujours le premier aux réunions, il faisait la lecture publique du catéchisme et des livres religieux, exhortait tous les assistants à tenir ferme, et à supporter patiemment les épreuves que Dieu leur envoyait. Il avait ainsi capté la confiance d’un grand nombre, et put faire aux mandarins les dénonciations les plus précises et les plus circonstanciées.

Aussi le dernier décret avait à peine paru, que les arrestations de personnages importants se succédèrent coup sur coup. On voyait que les satellites étaient bien renseignés. En quelques jours, on saisit Charles T’sio, Charles Hien servant de M. Chastan, Paul Tieng, qui gardait la maison de l’évêque, Augustin Niou, l’interprète du gouvernement, et leurs familles tout entières. Augustin Niou, qui, comme membre de l’ambassade annuelle, rendait de si grands services pour les relations avec la Chine, était dénoncé depuis longtemps ; mais son intimité avec l’ancien régent Kim Hoang-san, frère de la régente, et avec Kim Tsiang-ei, ministre de troisième ordre, l’un des premiers savants du royaume, était