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de regret et d’attache à la vie ; mais sa foi courageuse n’en parut qu’avec plus d’éclat. Paul Tsieng, se déliant de sa propre faiblesse, pria les geôliers de ne pas laisser venir, ce jour-là, sa femme et ses enfants. Pendant qu’ils se rendaient au lieu de l’exécution, les enfants de Job Ni suivaient leur père en pleurant. Il leur dit d’un ton joyeux : « Pendant de longues années, j’ai langui dans ce cachot ; aujourd’hui enfin je pars pour le ciel. Pourquoi pleurez-vous ? Réjouissez-vous au contraire de mon bonheur. Réjouissez-vous de ce que votre père meurt pour Jésus-Christ, et soyez toujours de bons chrétiens. » Ils furent décapités tous les cinq, au milieu d’une foule immense rassemblée pour le marché. C’était le 17 de la quatrième lune, 29 mai 1839. Pierre Ni Sieng-hoa était âgé de cinquante-huit ans, Job Ni de soixante-treize, Paul Tsieng T’ai-pong de quarante-quatre, et Pierre Sin T’ai-po d’environ soixante-dix. On ne sait pas quel âge avait Pierre Kim T’ai-koan-i.

À ces exécutions sanglantes succéda quelque calme. Il devait peu durer. Le ministre des crimes et son assesseur donnèrent leur démission, pour obéir au cri de leur conscience qui leur reprochait de massacrer ainsi des innocents. Le successeur du ministre fut Hong-mieng-tsiou, que plusieurs chrétiens prétendent, encore aujourd’hui, leur avoir été favorable au fond du cœur, mais qui ne le laissa guère voir dans sa conduite. L’assesseur fut remplacé par Im-seng-kon, à qui nous devons rendre cette justice qu’il ne manifesta contre la religion aucune hostilité personnelle. Nous le retrouverons plus tard, pendant la persécution de 1846, où il se montra si indulgent envers le P. André Kim, qu’on le soupçonna d’être chrétien en secret.

Le mois de juin se passa sans incidents remarquables. Le peuple, excité par les calomnies officielles, demandait hautement la punition des chrétiens ; les uns proposaient de les renvoyer tous à la prison des voleurs, afin que les geôliers pussent sans tant de formalités les expédier à coups de bâton ; d’autres parlaient de les laisser périr dans les prisons, de faim, de misère et de maladie. Dans le conseil royal, les opinions étaient partagées ; on ne savait quelle ligne de conduite adopter pour l’avenir, et, en conséquence de ces indécisions, les agents du gouvernement gardaient le silence au sujet des chrétiens.