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leine avait soixante-six ans, Barbe quarante-huit ans, Agathe Ni cinquante-six ans, et Agathe Kim cinquante-trois ans.

« Après trois jours de débats au sein du conseil royal, l’arrêt fut enfin confirmé. Damien Nani, en l’apprenant, écrivit aussitôt à sa femme prisonnière : « Ce monde n’est qu’une hôtellerie, notre véritable patrie est le ciel. Mourez pour Dieu, et j’espère vous rencontrer au séjour de la gloire éternelle. » Le vendredi 24 mai, à trois heures après midi, heure où notre divin Sauveur expira sur la croix, ces neuf victimes consommèrent leur glorieux sacrifice, hors de la porte de l’ouest. Leurs corps restèrent, selon la loi, exposés pendant trois jours au lieu même de l’exécution.

« Le lundi 27, de grand matin, je parvins à les faire enlever, non sans quelque difficulté. On les enterra ensemble, dans un petit terrain acheté uniquement pour leur servir de sépulture. J’aurais voulu, comme dans notre noble et heureuse Europe, les revêtir d’étoffes précieuses et les embaumer avec de riches parfums ; mais, outre la raison de notre pauvreté, c’eût été trop exposer le chrétien qui se serait dévoué à cette sainte œuvre. On se contenta donc d’habiller chacun selon son sexe, puis les corps furent liés et enveloppés dans des nattes. Voilà pour nous de nombreux protecteurs dans le ciel, et des reliques toutes nationales, si jamais la religion chrétienne devient florissante en Corée, comme j’en ai l’espérance.

« Je dois mentionner ici quelques autres confesseurs qui moururent dans les prisons, à cette même époque, et dont la fin, moins glorieuse peut-être à nos yeux, ne fut pas moins précieuse devant Dieu.

« Joseph Tsiang Sieng-tsip-i, d’une honnête famille de la capitale, après s’être montré quelque temps catéchumène fervent, avait été assailli de doutes sur la foi et, cédant à la tentation, avait abandonné la religion, repris les idées du siècle, et ne songeait plus qu’à faire fortune et à jouir de la vie. Après bien des tentatives, quelques amis chrétiens parvinrent à dissiper ses doutes et, la grâce de Dieu aidant, il se convertit tout à fait. Pour mieux échapper aux séductions du monde, il rompit absolument tout rapport avec les païens, s’emprisonna dans sa maison dont il ferma la porte et, sans s’inquiéter de la faim ni du froid, s’appliqua uniquement à la prière et à l’étude. Ses parents, peines de le voir ainsi souffrir, lui disaient : « Quand vous sortiriez un peu pour vaquer au soutien de votre existence, quel mal y aurait-il ? » Il leur répondit : « Tous mes péchés passés sont venus du désir que j’avais de me mettre dans une position aisée ; il me vaut mieux