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Agathe abandonna courageusement la vie de luxe à laquelle elle était habituée, et s’enfuit chez une pauvre chrétienne, comptant sur Dieu pour sa subsistance. Là, appliquée à la prière, à la lecture, à la méditation, à la pratique des vertus, elle gagna par son affabilité et ses manières humbles, non-seulement les cœurs de tous les chrétiens, mais encore ceux de beaucoup de païens qu’elle convertit à la foi. Souvent maladive, elle ne se plaignait jamais, et sans regretter le luxe et les tables délicates du palais, elle usait avec joie des vêtements et des aliments les plus grossiers.

« En 1839, elle reçut chez elle Lucie Pak, et ce fut sans doute la cause de son arrestation. Lucie Pak était aussi fille du palais. Dès l’enfance, les belles qualités du corps et de l’esprit dont la nature l’avait douée, sa candeur, l’ingénuité et l’affabilité de son caractère, l’avaient fait grandement admirer de tous. On rapporte qu’avant qu’elle eût atteint sa quinzième année, le jeune roi Sioun-tsong, alors âgé de seize à dix-sept ans, fut épris de ses charmes et fit tout pour la séduire. Mais la jeune vierge quoique païenne, avec un courage inouï dans ce pays, résista à toutes ses instances[1]. Une vertu si extraordinaire ne devait-elle pas, en quelque sorte, lui mériter la grâce de sa conversion ? Aussi quand, à l’âge d’environ trente ans, elle entendit pour la première fois parler de la religion chrétienne, elle voulut de suite se mettre à la pratiquer. Mais elle appartenait à la cour, et il lui était d’autant plus difficile d’en sortir, qu’elle était très-avancée dans les bonnes grâces de la reine Kim, avait l’intendance des autres filles du palais, et était vestale de la tablette du roi défunt. Ces obstacles ne firent qu’enflammer son zèle, elle prétexta une maladie, obtint de sortir, et, comme son père païen était fort hostile à la religion, elle s’établit chez un de ses neveux.

« Considérant dès lors le vide des années qu’elle avait perdues dans le luxe et les délices, elle redoubla de zèle pour remplir exactement tous ses devoirs, s’appliquant surtout à la mortification dans les vêtements et la nourriture. Par ses paroles et ses bons exemples, elle parvint bientôt à convertir toute la famille de son neveu. Lucie s’était depuis quelque temps retirée chez Agathe Tsien, lorsque la persécution éclata. Son neveu, dénoncé, vendit de suite sa maison à moitié prix, et, ne sachant où se réfugier, amena toute sa famille chez Agathe. Deux ou trois

  1. « Nous avons interrogé plusieurs chrétiennes, qui étaient elles-mêmes filles du palais à cette époque, et toutes disent que le fait passe pour certain à la cour. » — Note de Mgr Daveluy.