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— Abandonne-la, et je te sauverai la vie. — Notre Dieu étant celui qui a créé et gouverne toutes choses, il est le grand roi et le père de toutes les créatures. Comment renier son roi et son père ? Devrais-je mourir dix mille fois, non je ne puis y consentir. — De qui as-tu appris ? Depuis quel âge pratiques-tu ? Combien as-tu de complices ? Pourquoi n’es-tu pas mariée ? Qu’est-ce que l’âme ? Ne crains-tu pas la mort ? » À ces diverses questions, elle répondit : « Dès l’âge de neuf ans, j’ai appris la religion près de ma mère. Mais comme cette religion défend sévèrement de nuire à qui que ce soit, je ne puis vous dénoncer aucun de ceux qui la pratiquent avec moi. N’ayant encore qu’une vingtaine d’années, il n’est pas étonnant que je ne sois pas mariée : du reste, il ne convient pas à une jeune fille de répondre sur cet article du mariage, et veuillez ne plus m’interroger là-dessus. L’âme est une substance spirituelle que l’on ne peut voir des yeux du corps. Je crains bien la mort, il est vrai, mais pour me laisser vivre, vous voulez que je renie Dieu ; c’est pourquoi, tout en craignant la mort, je désire mourir. — Mais cette âme dont tu parles, où est-elle ? — Elle est partout le corps. — As-tu vu le Dieu du ciel ? — Le peuple des provinces ne peut-il pas croire à l’existence du roi sans l’avoir vu ? En voyant le ciel, la terre et toutes les créatures, je crois au grand roi et au père suprême, qui les a créés. » Le juge essaya longtemps de vaincre sa constance, par douceur d’abord, puis par menaces ; mais, n’y gagnant que la honte, il la fit mettre à de nouvelles tortures. Témoins de son impassibilité, les satellites s’imaginèrent qu’elle était possédée de quelque génie. Enfin, après environ dix jours de détention, nos six courageuses chrétiennes furent transférées au tribunal des crimes.

« Le 12 avril, Jacques Tsoi et sa famille furent arrêtés, et leur maison pillée. Sa femme et ses deux filles, étant malades, ne subirent qu’une question assez légère. Mais lui-même et deux pauvres veuves chrétiennes qu’on avait prises dans sa maison passèrent par d’horribles tortures, les satellites voulant à tout prix se faire désigner la retraite de Philippe, frère de Jacques, l’un des hommes d’affaires de la mission.

« Le 15 avril, les satellites se portèrent à la maison d’Agathe Tsien et y saisirent onze ou douze chrétiens. Agathe, fille du palais, avait un caractère grave et ferme et une intelligence remarquable. Bien instruite de la religion, et voyant l’impossibilité de la pratiquer à la cour, elle voulut en sortir et se retirer dans sa famille ; mais celle-ci s’opposant fortement à son dessein,